lundi 17 novembre 2014

محمود درويش-لا شيء يعجبني Rien ne me plaît Mahmoud Darwich



Rien ne me plaît
« Rien ne me plaît,
dit un voyageur dans le bus, ni la radio
Ni les journaux du matin, ni les
citadelles sur les collines. 
J’ai envie de pleurer»
« Attends qu’on arrive et
pleure tout ton saoul, répondit le chauffeur »
« Moi non plus, dit une
dame, rien ne me plaît. J’ai montré ma tombe à mon fils.
Elle lui a plu : il s’y est
endormi et ne m’a pas dit adieu »
L’universitaire dit « Moi
non plus, rien ne me plaît.
J’ai fait de l’archéologie et je
n’ai jamais trouvé
Mon identité dans une pierre.
Suis-je vraiment
Moi-même ? »
Un soldat dit alors :
« Moi non plus, rien ne me plaît
Je traque une ombre qui me
traque »
Nerveux, le chauffeur dit
alors : « Terminus ! Préparez-vous
A descendre”.
Tous lui crièrent :
« Nous voulons aller au-delà du terminus
Continuez donc ! »
Quant à moi, je dis :
« Faites-moi descendre. Je suis comme eux, rien ne me plaît mais je suis
fatigué du voyage. »

Traduction Jalel El Gharbi

8 commentaires:

giulio a dit…

Comment comprendre le "mais" du dernier vers, cher Jalel ???

Jalel El Gharbi a dit…

Tout simplement l'opposition, cher Giulio. Ce bus transporte des "insatisfaits". Le poète (celui qui dis je) devrais faire partie de ce voyage, mais bien que insatisfait comme les autres, il préfère descendre parce qu'il est fatigué.
Non ?
Amitiés

giulio a dit…

Je comprends. Prémonitoire ? Récité dix mois avant sa mort ; mais composé... Nul ne le saura jamais ; mais vu son engagement dans cette tragédie palestinienne sans fin ni autres remèdes que de petits placebos ci et là, je comprendrais qu'il ait voulu descendre.

Jalel El Gharbi a dit…

C'est un poème tardif et MD se savait condamné.
Et en plus, il savait, après les accords d'Osla auxquels il n'a jamais souscrit, que la cause était quasiment condamnée , elle aussi

giulio a dit…

En relisant ce poème plus attentivement, je me suis souvenu dans un éclair mnémonique du dernier poème de « Vingt poèmes d'amour et une chanson désespérée » de Neruda ou, plutôt, de sa dernière partie. Etonnante parentée ! Dramatique adieu de Darwich (à la 2e personne) à son amante de toujours, la Palestine. Le sens-tu aussi, ou bien est-ce moi qui déraille ???

Une chanson désespérée
……………………
……………………

Ce fut là le destin où allait mon désir,
où mon désir tomba, tout en toi fut naufrage!

Ô sentine de décombres, tout est retombé sur toi,
toute la douleur tu l'as dite et toute la douleur t'étouffe.

De tombe en tombe encore tu brûlas et chantas.
Debout comme un marin à la proue d'un navire.

Et tu as fleuri dans des chants, tu t'es brisé dans des courants.
Ô sentine de décombres, puits ouvert de l'amertume.

Plongeur aveugle et pâle, infortuné frondeur,
explorateur perdu, tout en toi fut naufrage!

C'est l'heure de partir, c'est l'heure dure et froide
que la nuit toujours fixe à la suite des heures.

La mer fait aux rochers sa ceinture de bruit.
Froide l'étoile monte et noir l'oiseau émigre.

Abandonné comme les quais dans le matin.
Et seule dans mes mains se tord l'ombre tremblante.

Oui, bien plus loin que tout. Combien plus loin que tout.

C'est l'heure de partir. Ô toi l'abandonné.

Jalel El Gharbi a dit…

Il y a une parenté certaine entre MD et Neruda qui s'explique moins par l'influence de l'un sur l'autre que par la parenté entre les deux parcours. Il y a une poétique du texte engagé qui explique ces similitudes que tu ressens. C'est pourquoi on pourrait penser également à tel ou tel poème de Hikmet, de Vallejo ou P Levi...

giulio a dit…

Oui, cher Jalel, tu confirmes ce que ma raison a essayé de justifier dans mon intuition. C'est bien ainsi que j'avais compris cette parenté... après coup.

Cléanthe a dit…

Il faudrait prendre des bus sans origine ni destination, vivre comme si l'on était de nulle part, où chacun seconde serait un ailleurs. Il n'y aurait alors aucun départ ni aucune fin, juste un trajet sans escale dans un monde où le ciel n'aurait pas de bord.
Très beau texte d'un auteur que je ne connaissais pas.