mercredi 1 juillet 2015

Pour saluer le Pr Yalaoui

Miniature  Chronique de Jean Skylitzès (Bibliothèque Nationale d'Espagne)

Samedi 19 mai, le Pr Mohammed Yalaoui soutenait en Sorbonne sa thèse intitulée « Un Poète chiite d’Occident au Xème siècle : ‘Ibn Hâni’ al-‘Andalusî ». Le jury se composait des Pr André Miquel, Régis Blachère, Roger Arnaldes et Charles  Pellat. Cette thèse a été publiée par l’Université de Tunis en 1976.  Mohammed Yalaoui est l’un des fondateurs de l’Université de Tunis dans sa configuration moderniste. Il a dirigé pendant des années l’excellente revue « Annales de l’Université tunisienne ». Revenons à sa thèse rédigée dans un français de la plus haute facture et révélant une grande  érudition.
Voici sa traduction d’un passage où Ibn Hâni décrit une bataille navale ayant opposé en 965  la flotte fatimide à la flotte byzantine au large de la Calabre et de la Sicile. Voici un extrait d’un poème éternisant le souvenir de cette bataille, qui fait penser au poème "Navarin" (Les Orientales, Hugo) :

J'en jure par ces coursiers des mers qui prennent le départ à la nuit ; j'atteste qu'ils sont secondés par des forces innombrables
Surmontés de dais chatoyants, ils ressemblent à ces tentes qui dérobent aux regards les bédouines aux cils de gazelle ; cependant ces voiles ne recouvrent pas les belles, mais des guerriers à la vaillance de lions...
Le chef byzantin fut saisi de les voir surgir, toutes bannières déployées, leurs voiles claquant au vent...
Les étendards, fixés à la cime des mâts, grandissaient les navires, édifices imposants érigés sur une assise rien moins que solide...
N'était leur mouvement rapide, on les eût pris pour des montagnes majestueuses, car ils avaient aussi des sommets altiers et des pics menaçants
 [Rapides comme des] oiseaux, mais oiseaux de proie dont la pâture ne peut être que d'âmes [ennemies]
 [Ces navires] lancent des flammes qui s'embrasent pour consumer l'ennemi ; ces foyers, le jour du grand combat, ne s'éteignent jamais
« Grondant de colère, ils échangent des jets ardents, tels des langues de feu sortant de la géhenne

Comme l’éclair qui foudroie, un souffle brûlant se précipite hors des bouches d’acier sifflantes…
Les braises incandescentes flottent sur l’eau comme des plaques de sang parsemant des étoffes sombres
Comme la chandelle qui se nourrit de son huile, elles adhèrent aux flots et y trouvent leur aliment
Ces barques fins coursiers qui n’ont pour rênes que les vents, et pour parcours que les bulles et l’écume  
Bien que venues au monde sans membres, ont de longs bras à l'écartement large ; vierges chastes, elles recèlent cependant [dans leurs flancs] une nombreuse progéniture...
Elles [ces barques] glissent, couvertes de mousselines légères tissées d'or dans leur trame serrée...
Et si tant est que celles-ci ont revêtu les tuniques brodées, d'autres sont protégées par des cuirasses et des boucliers".

……………….
Le Professeur sera  inhumé aujourd’hui.



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