Miniature Chronique de Jean Skylitzès (Bibliothèque Nationale d'Espagne)
Samedi 19 mai, le Pr Mohammed Yalaoui soutenait en Sorbonne sa thèse intitulée « Un Poète chiite d’Occident au Xème siècle : ‘Ibn Hâni’ al-‘Andalusî ». Le jury se composait des Pr André Miquel, Régis Blachère, Roger Arnaldes et Charles Pellat. Cette thèse a été publiée par l’Université de Tunis en 1976. Mohammed Yalaoui est l’un des fondateurs de l’Université de Tunis dans sa configuration moderniste. Il a dirigé pendant des années l’excellente revue « Annales de l’Université tunisienne ». Revenons à sa thèse rédigée dans un français de la plus haute facture et révélant une grande érudition.
Voici sa traduction d’un passage où Ibn Hâni décrit
une bataille navale ayant opposé en 965 la flotte fatimide à la flotte byzantine au large
de la Calabre et de la Sicile. Voici un extrait d’un poème éternisant le
souvenir de cette bataille, qui fait penser au poème "Navarin" (Les Orientales,
Hugo) :
J'en jure par ces
coursiers des mers qui prennent le départ à la nuit ; j'atteste qu'ils sont
secondés par des forces innombrables
Surmontés de dais chatoyants, ils ressemblent à ces tentes
qui dérobent aux regards les bédouines aux cils de gazelle ; cependant ces
voiles ne recouvrent pas les belles, mais des guerriers à la vaillance de
lions...
Le chef byzantin fut saisi de les
voir surgir, toutes bannières déployées, leurs voiles claquant au vent...
Les étendards, fixés à la cime
des mâts, grandissaient les navires, édifices imposants érigés sur une assise
rien moins que solide...
N'était leur mouvement rapide,
on les eût pris pour des montagnes majestueuses, car ils avaient aussi des
sommets altiers et des pics menaçants
[Rapides comme des] oiseaux, mais oiseaux de
proie dont la pâture ne peut être que d'âmes [ennemies]
[Ces navires] lancent des flammes qui
s'embrasent pour consumer l'ennemi ; ces foyers, le jour du grand combat, ne
s'éteignent jamais
« Grondant
de colère, ils échangent des jets ardents, tels des langues de feu sortant de
la géhenne
Comme l’éclair qui foudroie, un souffle brûlant se
précipite hors des bouches d’acier sifflantes…
Les braises incandescentes flottent sur l’eau comme
des plaques de sang parsemant des étoffes sombres
Comme la chandelle qui se nourrit de son huile,
elles adhèrent aux flots et y trouvent leur aliment
Ces barques fins coursiers qui n’ont pour rênes que
les vents, et pour parcours que les bulles et l’écume
Bien que venues au
monde sans membres, ont de longs bras à l'écartement large ; vierges chastes,
elles recèlent cependant [dans leurs flancs] une nombreuse progéniture...
Elles [ces barques] glissent, couvertes de mousselines
légères tissées d'or dans leur trame serrée...
Et si tant est que celles-ci
ont revêtu les tuniques brodées, d'autres sont protégées par des cuirasses et
des boucliers".
……………….
Le Professeur sera inhumé aujourd’hui.
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