dimanche 16 juin 2013

Georges Saint-Clair, ermite et poète chrétien

LE GRAND PRIX DE POÉSIE DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE LE PLUS MÉCONNU :
GEORGES SAINT-CLAIR, LAURÉAT 1993.

Ce poète n’a rien fait pour se faire connaître. Lauréat de l’équivalent du Goncourt pour la poésie, ce prêtre-poète âgé de 92 ans continue à vivre, à rêver, à se souvenir en ermite à peu près heureux (lisant peu, du fait de ses problèmes de vue) dans son presbytère familial de Pontacq, à 15 km du fameux sanctuaire de Lourdes (dont il n’aime d’ailleurs pas le triste bazar) ; d’après Jean Dutourd, c’était le poète actuel le plus méconnu. Réparons un peu cet oubli en publiant ici ce poème révélateur de son univers... Les oreilles fines apprécieront le mélodiste.
 Le Christ en roi des rois. Icône du couvent Mar Sarkis (Saint Serge) à Maaloula (Syrie). OEuvre de Michel de Crête (fin XVIIIème-début XIXème)

Retablo pour Manuel

La digue du moulin
La jupe que l’on pince
Entre deux doigts de gué
Le tricorne qui pend
Dans sa lucarne à blé
Ô vie si brève – toute
De sacs d’âne comptés,
Et ce vent qu’on écoute :
Fantomatique blanc
D’un pas dans l’escalier

Et puis et puis égale au pain
L’ample chaîne du puits
Emplie de mille mains

Et puis et puis pour toi qui crois
Que Dieu nous reste à crucifier,
L’ombre solaire de Lorca
Sur le crépi du vieil été
Le long duquel tu va tu vas

Fourmi noire de l’alpaga



15 commentaires:

Halagu a dit…

Ô vie si brève – toute
De sacs d’âne comptés,

Je n'ai pas saisi le sens de ces vers. Voulait-il désigner les aléas de la vie?

ARANJO Daniel, proche du poète a dit…

les images espagnoles d'une certaine époque (années 1950) sont chères à ce prêtre-poète de la frontière pyrénéenne qui est peu sorti de chez lui ; il a, comme Francis Jammes, une dévotion pour l'âne (il y en avait à peu près autant en Ibérie que de nos jours encore au bled dans le Maghreb). Le poète pense sans doute ici à la pièce 'La Vie brève' de Manuel de Falla : la vie est brève, et tient en peu de sacs, de sacs plutôt petits comme un âne peut en porter

ARANJO Daniel, proche du poète a dit…

mais je vais interroger l'auteur dès que possible

Daniel ARANJO

giulio a dit…

Moi, c'est par contre "L’ombre solaire de Lorca" qui me pose problème. Qu'est-ce que la poésie "pyrénéenne" de Saint-Clair va-t-elle chercher en Murcie ?

... car je suppose qu'il fait allusion à la ville de Lorca et non à son mécréant confrère Federico.

Halagu a dit…

Ami giulio, tu m'as ôté mes illusions. J'ai pensé à Federico et j'ai commencé à apprécier cette possible allusion.
Merci ARANJO, je serai vraiment heureux de connaitre le sens de ces vers.

giulio a dit…

Tous mes regrets, cher Halagu. Moi aussi j'avais pensé à mon poète préféré. Mais, après tout, s'agit-il peut-être quand même de Federico Garcia Lorca. Voyons un peu ce qu'en disent Daniel Aranjo ou cet autre grand spécialiste poéticien qu'est Jalel El Gharbi.

D. Aranjo a dit…

"l'ombre solaire de Lorca" fait allusion au poète Lorca, dont Saint-Clair évoque ailleurs la mort en 36. En 36 on entendait le canon de la guerre civile espagnole depuis le Béarn frontalier qu'habitait et qu'habite toujours le poète. Quant à "l'ombre solaire", c'est un oxymore où chacun peut mettre ce qu'il veut ; et même deux ou trois sens différents -(descriptif, symbolique...)
D Aranjo

giulio a dit…

Merci beaucoup Daniel Aranjo. Voilà Halagu rassuré et ma cynique trivialité désavouée ! N'empêche que j'en suis fort aise, puisque toute pensée d'un poète à l'autre contribue à ce qu'il continue à vivre et préfigure ces ponts culturels qui me sont chers.

ARANJO Daniel, proche du poète a dit…

"ô vie si brève - toute / De sacs d'âne comptés" j'ai téléphoné au poète hier soir ; pour cette image, il a sans doute pensé à "la danse du meunier' de Manuel de Falla, visé par le titre et le thème d'ensemble du poème ; en revanche, il ne se souvient plus à quoi exactement il a pensé, de l'opéra 'La vie brève' pour "ô vie si brève" (il y a une danse célèbre de cet opéra). Vous trouverez des tas d'enregistrements de cette danse, et de celle du meunier, sur Internet (Youtube) : avec même un sosie du Dalaï Lama à la guitare pour le meunier ! Saint-Clair aime bien une certaine sécheresse de Manuel de Falla, dont la sobriété de son poème me semble un peu le reflet.
D. Aranjo

Halagu a dit…

@ Daniel Aranjo,
Merci beaucoup pour toutes ces explications. J'avoue que j'ai séché devant ce poème aride. Notre ami Jalel a bien fait de préciser que ce choix s'adresse aux oreilles fines et il n'a pas tort.

giulio a dit…

Aride ? Je ne sais pas, Halagu. Je dirais plutôt sec, martelé, comme les poèmes du recueil "Le dits du Meunier" de mon ami Alain Guerin, auquel le premier vers de Saint-Clair pourrait également faire allusion.

J'envoie à Jalel mon article de mai 2006 sur ce génial ouvrage. Peut-être voudra-t-il l'insérer dans son blog aux fins de prolongation de ce dialogue.

Michèle Pambrun-Paillard a dit…

Bonjour Jalel, Halagu, Giulio, et Daniel Aranjo

J'aime beaucoup ce poème de Georges Saint-Clair ; cette image d'une vie toute de sacs d'âne comptés (l'éclairage qu'en donne Daniel Aranjo me plaît infiniment) ; l'image aussi de la chaîne du puits emplie de mille mains...

J'habite pas très loin de Pontacq. Pas très loin non plus de Tournay où naquit Francis Jammes :)

Bien à vous
Michèle Pambrun

Jalel El Gharbi a dit…

Merci pour votre passage, Michèle

ARANJO Daniel a dit…


OEUVRES DISPONIBLES DE GEORGES SAINT-CLAIR

j'ai sur mon ordinateur un recueil entier de G. Saint-Clair, "Marque brûlante" (1993). Je pourrai l'envoyer gratuitement en fichier attaché à qui le voudra. J'ai aussi publié un volume bien artisanal d'Actes du COLLOQUE que je lui a été consacré à l'occasion de son Grand Prix de Poésie de l'Académie française 1993 (il m'en reste une 30aine d'exemplaires) : je puis vous en envoyer un exemplaire pour 30 euros franco de port.

aranjo@univ-tln.fr

Michèle Nosbaum a dit…

Merci pour ce magnifique poème, en effet, G. Saint-Clair est trop peu re-connu!
Toute vie est un puits, où se débattre - peut-être - mais surtout pour y cueillir, de nos mille mains,les étoiles qui y fleurissent.