samedi 21 novembre 2015

En marge du colloque d'Oran

Oran : son musée Zabana
Camus qualifie la place d'armes de prétentieuse. En arrière plan, la mairie et ses deux lions sculptés par Caïn


L'hôtel Eden reproduit les deux lions et y ajoute même un troisième :


le théâtre de la ville

 L'église néo-bysantine aujourd'hui transformée en bibliothèque

Le monument dédié à Mohamed Zabana, le premier militant du FLN à être guillotiné. On connaît les poèmes qu'il a inspirés à Mofdi Zakaria. J'en traduis ce vers :
Il se dressa lentement fier, tel le Christ
Saoûl psalmodiant son chant

Un hommage à Jean Goujon dans une rue d'Oran :



Le hall du CRASC d'inspiration néo-mauresque




Ce cap à l'Est d'Alger, à l'Ouest de Tunis est à moi 

3 commentaires:

Jawhar a dit…

C’est en 1939 que Camus écrit LE MINOTAURE OU LA HALTE D’ORAN. Dans cette nouvelle où la ville d’Oran est dépeinte dans des mots taillés dans le roc du mot (même si Camus reconnaît ne savoir peindre qu’avec son cœur), voici ce qui me fait fondre le cœur à chaque fois que je pense à l’Oran de Camus, dans cette philosophie où l’infiniment beau c’est aussi la pierre nue jusqu’à l’effarement ou jusqu’à la parfaite sérénité :

« Mais ceci ne peut se partager. Il faut l'avoir vécu. Tant de solitude et de grandeur donne à ces lieux un visage inoubliable… Ce sont ici les terres de l'innocence. Mais l'innocence a besoin du sable et des pierres. Et l'homme a désappris d'y vivre. Il faut le croire du moins, puisqu'il s'est retranché dans cette ville singulière où dort l'ennui. Cependant, c'est cette confrontation qui fait le prix d'Oran. Capitale de l'ennui, assiégée par l'innocence et la beauté, l'armée qui l'enserre a autant de soldats que de pierres… Dans la ville, et à certaines heures, pourtant, quelle tentation de passer à l'ennemi ! quelle tentation de s'identifier à ces pierres, de se confondre avec cet univers brûlant et impassible qui défie l'histoire et ses agitations ! Cela est vain sans doute. Mais il y a dans chaque homme un instinct profond qui n'est ni celui de la destruction, ni celui de la création. Il s'agit seulement de ne ressembler à rien. À l'ombre des murs chauds d'Oran, sur son asphalte poussiéreux, on entend parfois cette invitation... Pensons à Cakia-Mouni au désert. Il y demeura de longues années, accroupi, immobile et les yeux au ciel. Les dieux eux-mêmes lui enviaient cette sagesse et ce destin de pierre. Dans ses mains tendues et raidies, les hirondelles avaient fait leur nid. Mais, un jour, elles s'envolèrent à l'appel de terres lointaines. Et celui qui avait tué en lui désir et volonté, gloire et douleur, se mit à pleurer. Il arrive ainsi que des fleurs poussent sur le rocher. Oui, consentons à la pierre quand il le faut. Ce secret et ce transport que nous demandons aux visages, elle peut aussi nous les donner. Sans doute, cela ne saurait durer. Mais qu'est-ce donc qui peut durer ? Le secret des visages s'évanouit et nous voilà relancés dans la chaîne des désirs. Et si la pierre ne peut pas plus pour nous que le cœur humain, elle peut du moins juste autant. « N'être rien ! » Pendant des millénaires, ce grand cri a soulevé des millions d'hommes en révolte contre le désir et la douleur. Ses échos sont venus mourir jusqu'ici, à travers les siècles et les océans, sur la mer la plus vieille du monde…Voici la petite pierre, douce comme un asphodèle. Elle est au commencement de tout. Les fleurs, les larmes (si on y tient), les départs et les luttes sont pour demain. Au milieu de la journée, quand le ciel ouvre ses fontaines de lumière dans l’espace immense et sonore, tous les caps de la côte ont l’air d’une flottille en partance. Ces lourds galions de roc et de lumière tremblent sur leurs quilles, comme s’ils se préparaient à cingler vers des îles de soleil. Ô matins d’Oranie ! Du haut des plateaux, les hirondelles plongent dans d’immenses cuves où l’air bouillonne. La côte entière est prête au départ, un frémissement d’aventure la parcourt. Demain, peut-être, nous partirons ensemble. »

Jawhar a dit…

Il (Albert Camus) revient quelques années après (en 1953 précisément) écrire de manière fort prémonitoire dans un avertissement au lecteur, ce qui paraît aller aujourd’hui d’une façon bellement pragmatique à la ville d’Oran : « Cet essai date de 1939. Le lecteur devra s'en souvenir pour juger de ce que pourrait être l’Oran d'aujourd'hui. Des protestations passionnées venues de cette belle ville m'assurent en effet qu'il a été (ou sera) porté remède à toutes les imperfections. Les beautés que cet essai exalte, au contraire, ont été jalousement protégées. Cité heureuse et réaliste, Oran désormais n'a plus besoin d’écrivains : elle attend des touristes. »

Jalel El Gharbi a dit…

Merci pour ces précisions, Jawhar.