dimanche 18 juillet 2010

Cinéma Eldorado سينما الدورادو مصطفى نـــــصر



Cinéma Eldorado de Mustapha Nasr
Mustapha Nasr est un romancier égyptien. Dans Cinéma Eldorado (en arabe) ; il revient sur ses premiers émois de cinéphile. Il fait revivre les salles obscures d’Alexandrie qui étaient autant d’ouvertures sur le monde et sur soi. Féérie de l’autre et du même fraternisant. Or aujourd’hui, toutes ces salles ont fermé. Le corollaire lexical accompagnant l’évocation de ces salles, c’est le verbe « changer ». Tout semble avoir mué. Les cinémas ont été métamorphosés en atelier, en garage, en salle de fêtes ou en grande surface. Le texte est de facture autobiographique mais il laisse une grande marge à la fiction. C’est un roman qui pose la question de son propre genre : suite de nouvelles ou roman. Tout se passe comme si le roman était une somme de nouvelles tout comme la vie est une somme de films. C’est un roman qui porte l’inquiétude de son genre.

Mariam Fakhreddine, une des stars qu'évoque le roman.

A bien y réfléchir, il y a derrière l’évocation parfois jubilante du passé des inflexions tristes, un je-ne-sais-quoi d’amer qui vient sans doute de ce que le roman se situe dans cette zone intermédiaire entre roman et autobiographie que l’on nomme « autofiction ». Ce qui lui confère « l’inflexion des voix chères qui se sont tues ». Le roman mêle fiction et souvenir tant et si bien que cinéma et réalité deviennent choses inextricables. Par moments, il est ardu de démêler les écheveaux de la narration dans ce qui ressemble à la cacophonie du réel. On se demande parfois s’il s’agit du personnage regardant le film ou du film. Les noms s’entremêlent : ceux des personnages du roman, ceux du film et ceux des acteurs, le tout dans une entreprise qui suggère que le monde est un : ses images, ses réalités, ses déceptions forment un tout. Ici, le monde imite l’image. Cinéma Eldorado peut être lu comme l’affirmation de la primauté de l’image tant la vie y imite le cinéma. A la fin du roman, une jeune fille rêvant d’aller aux USA pour étudier le cinéma entraîne son amie dans une fugue qui échoue lamentablement. L’échec est un thème sous-jacent et fréquent dans le roman. Il dit surtout cette inaptitude à dépasser la contiguïté entre le monde et ses images, entre la vie et l’art, entre le réel et l’aspiration. Il y a un réel transcendant toutes les dichotomies que la littérature signifie sans pouvoir lui donner jour. Peut-être que l’échec est la condition sine qua non de la récidive, de la pérennité.

2 commentaires:

Halagu a dit…

D’après le site de la Fédération Africaine de Critique Cinématographique (http://www.africine.org/?menu=art&no=7429#liens)
- À l'indépendance, la Tunisie offrait environ 44000 fauteuils, pour 71 salles de cinéma.
- En 1960, le parc des salles comptait une centaine de salles pour 60 000 fauteuils et le nombre de spectateurs potentiels était estimé à 6 millions.
- Vers le milieu des années 70, les ciné-clubs revendiquaient soixante mille adhérents.
- En 2008, quinze salles en tout pour une population qui dépasse les dix millions d'habitants : la chute est vertigineuse !
Actuellement, il y a 13.866 sièges réservés pour le cinéma en Tunisie…Le phénomène est-il international?

Jalel El Gharbi a dit…

Aujourd'hui, il est question de construire des salles multiplexes à Tunis mais cela sent plus le snobisme et l'affairisme que la culture. Rien ne remblassera les ciné-clubs des années 70.
Je ne sais pas si c'est un phénomène international, en tout cas cela ne nous consolera pas des dizaines de salles qui ont fermé.