mercredi 31 juillet 2013

Nahdha : Une autopsie anticipée



nahdha_200
Au lendemain des élections du 23 octobre, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, j’ai soutenu que les  Nahdhaouis étaient aussi tunisiens que tous les autres et qu’ils avaient à ce titre le droit de diriger le pays puisque les résultats du suffrage leur étaient favorables. Du reste, pourquoi n’y aurait-il pas une démocratie musulmane comme il y a une démocratie chrétienne.  Erreur dont je ne suis pas fier aujourd’hui. Mais à la réflexion,  cette erreur m’habilite à porter un jugement sans préjugés sur Nahdha !
La suite sur www.babelmed.net, merci de suivre le lien ci-dessous :
Nahdha: une autopsie anticipée

dimanche 28 juillet 2013

vendredi 26 juillet 2013

Article sur la situation en Tunisie

Babelmed vient de me publier cet article :
Les quelques heures qui viennent diront si la Tunisie va sombrer dans la violence ou non. Elles diront si l’islam politique, qui a prouvé l’affligeante incompétence de ses dirigeants, trouvera un second souffle. Ceux qui ont voulu assassiner la république auront-ils donné le coup de grâce à l’islam politique ?....
Pour lire la suite, merci de suivre ce lien  :
Encore un assassinat politique à Tunis

jeudi 25 juillet 2013

ASSASSINS !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Encore un assassinat politique à Tunis.
Mohamed Brahmi vient d'être lâchement abattu devant chez lui.
C'est le second assassinat qui frappe le Front Populaire.

mercredi 24 juillet 2013

L'affaire Amina dans la presse luxembourgeoise

Tunisie : chronique (1) d’un harcèlement judiciaire

L’affaire Amina Sboui (Tyler)

Voici le dernier impair en date d’une «justice» que la révolution tunisienne de 2011 n’a pas su rendre impartiale, mais semble avoir, tout au contraire, maintenu dans la complaisance et la flagornerie envers le pouvoir établi, quelque soit ce pouvoir. Pour la lycéenne tunisienne Amina Sboui, née en 1993 et mieux connue, avant ses déboires judiciaires, sous le nom d’Amina Tyler, militante du groupe hyperféministe Femen, le drame a commencé en mars 2013. Le 1er mars elle diffuse en effet sur Facebook des photos où elle se montre les seins nus sur lesquels elle a écrit en arabe «Mon corps m’appartient et n’est source d’honneur pour personne». (2) Le 21 mars, la page Facebook de Femen-Tunisie est piratée, les photos d’actions seins nus étant remplacées par des vidéos et des illustrations religieuses. Le président de l’Association islamiste centriste de sensibilisation et de réforme (Al-Jamia al-Wassatia Li-Tawia Wal-Islah) appelle à la flagellation d’Amina. Un imam, Adel Almi, le même qui prêche que «Les non-jeûneurs seront photographiés et décriés» (durant le Ramadan) et que «la bai-gnade en mer est un péché» a été jusqu’à souhaiter sa mort par lapidation. C’est dire le degré de barbarie dans lequel le pouvoir tunisien actuel laisse s’enfoncer le pays.
Sans doute profondément choqués par ces événements, des membres de sa famille l’ont kidnappée, paraît-il avec la complicité de la police tunisienne, puis séquestrée plus de trois semaines à Kairouan. Mais le 12 avril, Amina parvient à s’enfuir. Le 1er mai, elle tente de s’introduire au meeting du Congrès pour la République (CPR) (3), pour dénoncer la ministre Sihem Badi et le «traitement infligé au peuple tunisien par ses nouveaux maîtres», avant que les policiers ne l’interceptent. Le 19 mai, elle est arrêtée pour avoir tagué le muret d’un cimetière à Kairouan, ville où devait se tenir le congrès du groupe Ansar al-Charia (4), qu’elle voulait stigmatiser par une action d’éclat. Incarcérée à Messadine, elle est inculpée pour détention d’un aérosol d’autodéfense et profanation d’un cimetière, où elle aurait inscrit le mot FEMEN, ce qui pourrait lui valoir jusqu’à deux ans et demi de prison. Amina Sboui (Tyler) sera jugée le jeudi 30 mai. Pendant ce temps là, le mouvement Femen lance une campagne pour collecter 4.000 Euros, afin de lui permettre d’étudier en Europe.
Le 29 mai, trois militantes Femen, deux Françaises et une Allemande, sont interpellées à Tunis après une action de soutien à Amina. Plusieurs journalistes y sont agressés et trois sont interpellés pour avoir filmé l’événement intitulé «Femen in Tunisia», où les jeunes femmes manifestaient seins nus. Parmi les journalistes interpellés, trois travaillent pour l’agence Reuters, deux pour la chaîne française Canal+, le dernier étant un photographe indépendant. Inna Chevchtchenko, la dirigeante de Femen à Paris, explique qu’il s’agit de leur première action dans le monde arabe. Le 30 mai Amina est condamnée en première ins-tance à 300 Dinars ( 150 Euros) pour le port d’une bombe lacrymogène. Mais c’est le 6 juin que, face à la persécution judiciaire d’Amina et des trois jeunes femmes de «Femen in Tunisia» venues manifester en sa faveur en Tunisie, l’«affaire» explose les frontières du pays et le cercle des sympathisants du groupe Femen. En effet, l’oncle d’Amina, le Dr. Sami Sboui, chercheur scientifique (Paris XII) et directeur de recherche à EuroMedTextile, s’adresse aux trois présidents de la Troïka (5), ainsi qu’à la presse tunisienne et internationale en une lettre forte et émouvante de solidarité avec Amina et les trois Femen. En voici un fragment qui se passe de commentaires :
« Ma nièce, Amina, est une adolescente fragile et très généreuse, victime d’un étonnant acharnement politique et judiciaire qui n’a aucune justification. Amina a publié sur Internet une photo seins nus, en solidarité avec une campagne internationale des Femen, contre les extrémismes et les machistes. Sa famille a compris que sa motivation est vraiment politique (après avoir – souvenons-nous – tenté, au début, de la mettre au pas). La véritable intention d’Amina, réagissant à tous les débats chauds menés par des extrémistes sur Internet (inégalité des sexes, polygamie, séparation entre hommes et femmes...), était d’être le porte-parole de la majorité silencieuse en Tunisie, pour dire NON aux projets de certains excités extrémistes. Cet engagement politique a coûté cher à Amina. Elle est désormais exclue de tous les lycées de Tunisie. Aujourd’hui derrière les barreaux d’une prison, elle constate que ses camarades de lycée et ses amis ont commencé à passer le BAC depuis hier...». Je ne puis en citer davantage ici, amis lecteurs, faute d’espace rédactionnel; mais je vous recommande instamment de lire cette belle lettre en entier sur Internet où elle est reprise par de nombreux sites. (6)
L’acharnement dénoncé par le Dr. Sami Sboui n’a rien d’exagéré. Le dernier exemple en date en témoigne. Déjà accablée par de nombreuses accusations plus ou moins fantaisistes, Amina se voit en outre accusée le 19 juin par le directeur de la prison de Messadine (Sousse) où elle est détenue, via un télégramme envoyé au tribunal, de «refus d’obtempérer, d’agression d’un fonctionnaire et d’atteinte aux bonnes mœurs». La présidente du comité de soutien d’Amina, Lina Ben Mhenni, a pourtant expliqué que ses quatre gardiennes de prison avaient assuré qu’Amina était innocente. Ben Mhenni a indiqué que, après avoir usé de tous les moyens pacifiques, les mouvements de protestation pour soutenir Amina pourraient connaître une escalade dans les prochains jours, ajoutant que les fausses accusations portées contre Amina pourraient prolonger le délai de sa détention à 14 mois ou plus et constituent une atteinte à la liberté d’expression.
Début juillet, à l’occasion de la visite de François Hollande en Tunisie, des ONG, dont Human Rights Watch et la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme l’interpellent concernant les condamnations du rappeur Alaa Eddine Yaakoubi connu sous le nom de Weld El 15, ainsi que d’Amina Sboui (Tyler). Sans grand effet, semble-t-il, car soucieux de se rabibocher avec les autorités tunisiennes, suite à l’impardonnable affront, qu’avait infligé au peuple tunisien le gouvernement Sarkozy/Fillon, le président français fait profil bas. On se souviendra des déclarations néocoloniales de Michèle Alliot-Marie en janvier 2011, offrant l’aide de la France au maintien de l’ordre en Tunisie en pleine répression des manifestations par le régime Ben Ali. Alors, si Weld El 15 s’en est tiré sans trop de casse (7), il n’en fut pas de même pour la jeune fille. Le 4 juillet, celle-ci a vu en effet sa peine de 300 Dinars ( 150 Euros), proclamée en première instance, confirmée en appel. Mais ce n’est là qu’une première «affaire», la création à répétition de nouvelles accusations permettant à ses persécuteurs d’accumuler les peines et la longueur de la détention préventive. Son maintien en détention a donc été confirmé au moins jusqu’au 22 juillet, date de sa comparution pour outrage et diffamation de fonctionnaire et pourra, vue sa «dangerosité» être prorogé, même en cas d’acquittement, dans l’attente des prochaines audiences.
La cour a sans doute considéré que la libération d’Amina, si elle en profitait pour se remettre à exhiber ses redoutables lolos, risquait de compromettre la sécurité nationale bien plus gravement que les prédicateurs wahhabites et salafistes incitant à la guerre sainte ou au meurtre, ainsi qu’à l’excision, à la flagellation ou à la lapidation des femmes. Ces agitateurs mortifères restent, eux, libres comme l’air. Dans l’état de droit «post-révolutionnaire», c’est-à-dire islamiste «modéré» Nahdha, ces derniers peuvent en effet pratiquer, notamment grâce aux financements en provenance du Golfe, leurs incitations au meurtre et autres perversions sans le moindre obstacle judiciaire ou policier. Aussi, la presse internationale et la blogosphère confirmèrent dès le 11 juillet qu’Amina restait en détention pour trois autres chefs d’inculpation: atteinte à la pudeur, profanation de cimetière et appartenance à une association de malfaiteurs. (8) À cela s’ajouterait une accusation d’outrage à un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions, selon l’article 154 du code pénal tunisien. (9) Cette accusation aurait été portée contre Amina suite à sa dernière audience, durant laquelle certains avocats ont parlé du fait qu’Amina leur a révélé des cas de torture dans la prison ou elle est incarcérée.
L’ensemble des délits dont est accusée Amina, peuvent par conséquent encore lui valoir deux à quatre ans de détention. Et l’on ne peut qu’approuver Céline Lussato du Nouvel Observateur, lorsqu’elle conclut que, «... face à un acharnement (aussi) féroce et injustifié, pour Amina, la situation devient de plus en plus critique. Une nouvelle affaire (une de plus) illustrant les tensions en Tunisie autour de la question des droits de la femme, alors que le pays a porté au pouvoir quelques mois après la révolution de janvier 2011 un gouvernement dirigé par les islamistes d’Ennahda. (10) On ne saurait évidemment nier que le combat de et pour Amina va bien au-delà de sa personne, dont on peut à la rigueur désapprouver certaines formes de protestation, ou les considérer prématurées en pays musulman. Mais on ne saurait lui dénier la pureté de ses motifs, qui ont même suscité l’admiration chez certaines de ses gardiennes de prison. Tout comme son formidable courage d’ailleurs, que nous confirme son avocat, Maitre Ghazi Mrabet, en publiant ce message d’Amina:
« Je n ‘ai pas peur... Que je sois gardée en prison pour longtemps cela ne m’importe pas. Je ne suis pas folle, je suis libre. Je suis derrière les barreaux mais je me sens plus libre que beaucoup de gens qui sont à l’extérieur. Être derrière les barreaux n’est pas plus dur que d’être à l’extérieur à regarder la dictature religieuse s’emparer de la Tunisie». Quant à vous, amis lecteurs, si vous désirez témoigner votre solidarité à cette intrépide jeune femme, vous en avez la possibilité en signant la pétition www.avaaz.org/fr/petition/FREE_AMINA_LIBEREZ_AMINA.
Giulio-Enrico Pisani
*** 1) La plupart des données de ce récapitulatif se basent sur différentes pages de l’encyclopédie Wikipedia, de Facebook, d’articles de la presse tunisienne (Le Temps, Webdo, etc.) et internationale (Nouvel Obs, Huma, etc.), ainsi que sur les déclarations de mes contacts tunisiens.
2) Allusion à son militantisme pour Femen, qui «déshonorerait sa famille».
3) Le CPR a été fondé par Moncef Marzouki, président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme de 1989 à 1994 puis président de la République à partir de 2011
4) Ansar al-Charia (Partisans de la charia) est un important groupe islamiste salafiste connu notamment pour ses appels au meurtre des «mécréants».
5) Troïka : gouvernement provisoire (ayant largement dépassé sa durée légitime) constitué des 3 premiers partis de Tunisie, mais où le parti islamiste Nahdha est majoritaire.
6) Notamment sur www.webdo.tn/2013/06/06/loncle-damina-solidaire-avec-les-femen/
7) Accusé d’avoir insulté la police (boulicia kleb) Weld El 15 s’en est tiré entre-temps avec une condamnation de 6 mois avec sursis, contrairement à ces autres blogueurs (Ghazi Beji et Jaber Mejri) qui ont écopé de sept ans et demi fermes, pour insulte au Prophète Mahomet. Pays pas vraiment tourné vers l’avenir, où l’on risque moins à se moquer des vivants que des morts... d’il y a près de quatorze siècles.
8) Cette dernière accusation, tellement ridicule que même les bornés en haut lieu l’ont compris, vient tout de même d’être abandonnée par le procureur.
9) Être maltraité aujourd’hui dans une prison tunisienne et s’en plaindre peut coûter cher. En effet, selon l’article 154 du code pénal tunisien «Est puni d’un an d’emprisonnement et de 120 dinars d’amende quiconque, par parole, gestes ou menace se rend coupable d’outrage à un fonctionnaire public ou assimilé dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions».
10) ... ou Nahdha, forme que me conseillent d’employer mes contacts tunisiens.
Dienstag 23. Juli 2013

lundi 22 juillet 2013

Solidaire avec le cheikh Férid El Béji

تضامنا مع الشيخ الزيتوني  الجليل فريد الباجي بعد  الإعتداء السلفي الذي تعرض له
En signe de solidarité avec le vénérable cheikh zeitounien Férid El Béji après l'agression salafiste dont il a été victime.

dimanche 21 juillet 2013

Extrait de l'autobiographie inédite de Giulio-Enrico Pisani (2)

*
Ce ne sera que bien des années plus tard, que je compris et voulus témoigner, également au nom de mes camarades de chambrée plus âgés qui n’y auront pas songé, combien je devais aux Élèves infirmières d’Édith Cavell :

Filles d'antan que vous étiez belles !
Filles qui ne vouliez pas compter !
Je veux être le ménestrel
qui votre amour saura chanter.

Gisèle, Colette, vos dix-huit ans
vingt, vingt-deux, pas davantage,
Claude, Sophie, vos coeurs d'enfants
faisaient de nous des enfants sages.

Brutes meurtries par accident
tristes maîtres en pyjama,
hier seigneurs, aujourd'hui impotents,
maudissant ce qui nous retenait là,

livrés à vos mains en maugréant
nous nous laissions manipuler,
faire piqûres, bandages et pansements
sans même songer à vous remercier.

Pourtant après douze heures d'un travail
dont un docker n'eût pas voulu,
au lieu de prendre le portail,
auprès de nous vous êtes venues.

C'étaient friandises ou cigarettes
blagues et revues pas toujours sages
en attendant que les nonnettes
viennent mettre fin à nos badinages.

Arrivées à l'échelon supérieur,
celles-ci ne savaient pas, en effet,
que le paradis c'était le bonheur
que vos frasques nous donnaient.


Colette Hubrecht, mon grand amour fou du moment, m’arrachait toutefois du cœur (et d’ailleurs) des jaillissements autrement plus personnels, que je n’ai aucune peine à me remémorer :

Tout près de moi, Colette, ton cœur,
tes mamelons contre mon corps,
tes mains si douces, tes doigts frôleurs
dans leur combat contre la mort !

Cependant, tel bateau ivre
d’éther et de médicaments,
je vivais et me voyais vivre
le plus sublime des tourments !

Tu étais amour, moi maladie.
Tu étais la fraîcheur de rosée.
J’étais la fièvre, la sanie ;
tu riais pour ne pas pleurer.

Quand dans mon lit trempé d’urine,
mon corps sans force tu retournais,
j’oubliais mon mal, et toi, câline,
nue, faible et offerte j’imaginais.

Lorsque de tes ciseaux à mâchoires,
tu m’enlevais douloureusement
les restes de salle opératoire,
c’était ta bouche, ta langue, tes dents,

que je sentais mordre ma chair,
sucer mes plaies, lécher ma peau,
et quoique je souffris l’enfer,
tu me quittais toujours trop tôt.

Quand avec une moue, d’une chiquenaude,
tu rabattis ma verge dressée,
raillant mon expression penaude,
menaçant de ne plus me soigner,

de m’envoyer la sœur en chef,
de mes quinze ans je crus mourir,
car je ne vis pas l’éclair trop bref
de ta tendresse : un petit sourire.

Un petit sourire de rien du tout
qui faisait de toi à vingt ans une mère,
du petit homme que j’étais un grand fou,
de ta source d’amour une rivière !

Aujourd’hui, deux fois grand-mère,
te souviens-tu du garnement
auquel tu torchais le derrière ?
Il rêvait d’être ton amant.

N.B. : Les deux poèmes ci-dessus, intégrés dans mon roman inédit Altéritude, ont déjà été publiés,
- le 1er, Les Élèves infirmières, dans mon recueil Amours, Humour, Fantasmes et (R)appels, Édit. Stan Tepede, 1999,

- le second, L’infirmière, dans mon recueil Amours d’un soir fin septembre, Édit. Schortgen Galerie, 1996

samedi 20 juillet 2013

Extrait de l'autobiographie inédite de Giulio-Enrico Pisani (1)

Extrait de L’Altéritude, Roman inédit de Giulio-Enrico Pisani

… une malformation rénale grave m'envoya peu après mon quatorzième anniversaire pour plus d’une année en clinique, où ce grand urologue qu’était le professeur Mingers me sauva la mise en six opérations avec son extraordinaire équipe et où le milieu hospitalier me nettoya du même coup la tête de maintes fariboles.  C'est en effet derrière les hauts murs de la clinique Edith Cavell que me rattrapa l’«humain» de la Via Farnese et que je commençai à en saisir bon nombre des tragiques implications.
*
 Une pince d'acier - enfin, avec un peu de peau autour, mais pas des masses - me saisit à la nuque.  Un étau.

- Espèce de petit vaurien ! cria Mademoiselle Kennis, l'infirmière en chef, hors d'elle, et m'arracha littéralement de ma chaise.

Les mutualistes, des durs de toutes les classes d'âge, généralement hospitalisés à cause d'accidents de travail, souriaient ou grimaçaient, gênés. Leur doyen – et le plus fort en gueule du même coup – laissa toutefois échapper un grognement désapprobateur et bougonna : "Ghottverdomme! Laisseye donc la cheun'homm' jouer ! Y'a pad'mal, tsé!"  Mais on n'est pas infirmière en chef à vingt-huit ans, et dans la clinique d'une école d'infirmières à l’ancienne de surcroît, sans poigne ni répondant à revendre.  Parce que du répondant, elle en avait, la demoiselle Kennis: en mâchoires, en muscles et en caractère.
Nullement impressionnée en effet par l'algarade du vieil ouvrier, elle me tint un instant suspendu en l’air au-dessus de la chaise (après trois opérations j'étais maigre à faire peur et léger en conséquence) et me traîna comme un paquet de linge sale hors de ce lieu de perdition.

Les jours suivants, j'eus droit à toute une kyrielle de sermons.  Mère pleurait et me parlait des nombreuses privations qu'elle et ma soeur enduraient, pour que je puisse être soigné dans une clinique privée, dans un milieu "convenable".  Et le Franciscain de la communauté italienne, le père Barnabé, qui avait eu trois semaines auparavant le mauvais goût de me donner l'extrême onction, me reprocha, à travers les restes alimentaires pris dans sa gargantuesque barbe noire, mon mauvais comportement.  Il dit que je devais me montrer digne de la clémence divine, et que mes fréquentations devaient m'élever et non me rabaisser.  Sûr!  Pour lui, tous ceux de la classe ouvrière étaient des communistes et, par conséquent, des mécréants.  La seule réaction qui me troubla, fut celle de Colette Hubrecht, la sous-chef de service, que j'idolâtrais autant que je détestais mademoiselle Kennis, lorsqu’elle versa à son tour une petite larme sur ma mauvaise nature.  Elle m'arracha aussi la promesse (doigts croisés derrière le dos) de ne plus aller jouer au whist avec ces types vulgaires de la mutuelle.  Il me semble encore l’entendre: «Ils ne sont pas méchants, comprends­-moi bien, mais ils ne sont pas de ton monde».  Ni du tien, me dis-je, in petto, avec ton teint bébé Cadum et tes mains manucurées, si douces sur ma peau, malgré la merde et la sanie que tu manipules tous les jours.  Je ne pouvais pas lui faire de la peine.  D'autant moins que ça m'aurait gâché la masturbation nocturne que déclenchait l'évocation de sa bouche pulpeuse et de ses roberts, ainsi que de ses ongles que j’imaginais me griffer lorsqu'elle changeait mes pansements.


Etrangement, le professeur Mingers, mon chirurgien et sauveur, ne dit rien, enfin... presque rien.  Il se contenta de sourire du récit de mes frasques, que mademoiselle Kennis lui rapporta en ma présence, et obtint tout de même de moi la promesse (encore une) assez vague, d'être un garçon obéissant et de ne pas faire de la peine aux infirmières.  Mais à quatorze ans les promesses n'ont guère les jambes plus longues que les mensonges et trois jours plus tard je trônais de nouveau, benjamin avide d'encanaillement, parmi les "camarades" du cinquième étage, jurais comme un charretier et jouais... au whist.

mercredi 17 juillet 2013

Salah Niazi La vieillesse الشيخوخة صلاح نيازي

Vincent Van Gogh : Vieil homme en pleurs
La vieillesse
La mort précède la vieillesse
Un arbre commence toujours par mourir
Puis  peu à peu il vieillit et devient bois
L’homme est un arbre qui commence par mourir pour vieillir progressivement
La mort est inhérente à toute naissance
C’est la vieillesse qui est aléatoire




الشيخوخة
الموت يسبق الشيخوخة
الشجرة تموت أوّلاً
 ثم تشيخ تدريجيا وتتحطّب
الإنسان  شجرة يموت أوّلاً ويشيخ تدريجيا
الموت أصلٌ مع كل ولادة
    والشيخوخة عارض

lundi 15 juillet 2013

Doïna de Watazzi par Giulio-Enrico Pisani


Giulio-Enrico Pisani
Luxembourg, 13 juillet 2013  

  1. Zeitung vum Lëtzebuerger Vollek

Doïna de Watazzi
nouvelle donne : couleur et mouvement


Ce fut comme une vision, une illumination soudaine, ces quelques tableaux à la superbe singularité, qui me fascinèrent, lorsque – simplement curieux – j’entrai dans la Galerie Goerz, à Luxembourg ville, rue des Bains.[1]  Je ne me souviens pas d’avoir vu à ce jour une peinture aussi inspirée et pouvant réunir sur une même toile autant de matérialité et de spiritualité, d’immanence et de transcendance, de sensualité et de géométrie, de passion et de tranquillité.  Cela se passait il y a plus de neuf ans, et j’essayai alors de vous communiquer dans ces colonnes mon enthousiasme pour le travail de cette artiste exceptionnelle par son chatoyant dilettantisme.  Débutant, donc dilettante moi-même, comme correspondant de presse, j’ignore si je parvins à vous communiquer à l’époque un peu de ce feu sacré de l’art pictural que les tableaux de Doïna de Watazzi allumèrent en moi.  Depuis cette année 2004, je vous ai présenté plusieurs centaines d’artistes peintres de tous pays, célèbres ou peu connus, abstraits ou figuratifs, classiques, modernes et, surtout, contemporains.  Je ne me souviens pas de tous leurs noms et, l’âge aidant, j’en oublierai encore bien d’autres, mais certainement pas Doïna de Watazzi, dont le talent naturel autant que les recherches tous azimuts, aboutissent plus qu’à leur tour à des résultats époustouflants de maîtrise technique et de beauté pure.
 
Neuf ans.  Une éternité.  Un long manque.  Comme l’impression – en tant que critique d’art néophyte, même pas véritable amateur – d’avoir été chassé du paradis.  Aussi, quelle ne fut pas ma surprise, puis ma joie, lorsque je reçus il y a quelques jours l’invitation au vernissage de son expo «La couleur et le mouvement».  Fin d’un trop long silence.  C’est en revoyant l’artiste, que je compris comment et pourquoi, prise par les tourbillons de la vie et les obligations familiales, mais, surtout, expérimentant sans trêve, peu consciente de sa propre valeur et, par là, réticente à se faire valoir, elle n’avait pratiquement plus exposé depuis.  Me voilà donc à replonger dans sa biographie, ce parcours de vie passionnant et mouvementé qu’il me faut aussi vous redire, amis lecteurs, tant il est essentiel à la compréhension de son art, placé sous l’étoile de la fée Diversité fécondée par l’Europe et l’Afrique, l’Orient et l’Occident, donc parfait exemple de cet Orcident cher au poète Jalel El Gharbi.[2] 

Née dans les années soixante à Timisoara, en Roumanie, Doïna expose déjà fillette (1970) à l’Ecole des Beaux Arts d’Arad.  En 1972, elle rejoint avec sa soeur et sa mère, son père, médecin ophtalmologiste au Maroc (dans le cadre de la coopération Maroc-Roumanie).  En 1974, Doïna et sa soeur s’établissent en France, où elles poursuivent leurs études.  En 1977 Doïna épouse Alexis de Watazzi à Paris et retourne avec lui en Afrique, au Maroc, où elle expose à l’Espace El Mansour, mais aussi à Conakry, Guinée, au Centre Astaldi et à Nouakchot, Mauritanie, au Centre Culturel Français.  Le tout ponctué de retours en France, où naîtra sa fille.  En 1984 la famille de Watazzi s’établit à Luxembourg, où elle s’agrandit de deux garçons.  C’est en 1988 que la créativité de Doïna semble littéralement exploser.  Est-ce dû à la fin de son errance? à la maternité? à la sécurité et à l’épanouissement familial? à la paix d’un pays dont les turbulences que nous exagérons souvent paraissent bien modestes à cette migrante qui en a vu de toutes les couleurs?  À l’exception de 1989, 1998, 2001 et 2002, elle présentera désormais deux à trois expositions par an, tout en enseignant art et dessin à l’académie d’été, en secondant son mari dans la photographie, la cartographie et l’édition et, last but not least, en élevant ses enfants.

Mais si Luxembourg a vu son épanouissement, Doïna, n’en renie pas pour autant ses racines roumaines, l’atavisme artistique byzantin traversé d’influences slaves, son enrichissement culturel et poétique africain ou ses liens avec la France.  Cela transparaît non seulement dans sa peinture – surtout huile sur soie ou sur toile et travail à la feuille d’or – mais appert également à travers ses expositions en 1988 à Breistroff la Grande et à Hagondange (1er prix salon d’automne), en 1992 à Metz, en 1996 de nouveau à Nouakchott et en 2003 à Golf de Preisch, encore en France.  Mais c’est bien à Luxembourg que Doïna donne toute sa mesure: expositions au Cercle Munster (2x), au Centre de mode «Poem», au Théâtre d’Esch sur Alzette, aux Centres Culturels de Larochette, de Rumelange et de Steinfort, à l’Espace Couleurs Culturelles, au Konschthaus beim Engel (3x), à la Galerie Goerz et à l’Ambassade de Roumanie.  L’ambassadeur de Roumanie lui a d’ailleurs décerné une distinction pour les icônes réalisées en l’Église St. Mathieu (Pfaffenthal).  Ces icônes sont donc en exposition permanente, tout comme les oeuvres exposées chez Patrim Invest à Metz.

Mais venons-en à sa présente exposition.  Située dans les vastes salles du Centre de Conférences de l’Office Infrastructures et Logistique Luxembourg – OIL,[3] au Kirchberg, elle vous permet d’admirer une splendide collection d’huiles sur toile dont la plupart s’éclate en d’inouïes polychromies.  Aussi m’apparut-il que, autant ses tableaux d’il y a neuf ans privilégiaient une sobriété des teintes, autant Doïna explose aujourd’hui l’espace en gerbes de couleurs chatoyantes.  Cependant pas toujours.  Quelques rémanences – ou retours? Sait-on jamais avec elle? – de ce temps, comme «Le maître d’orchestre», chef d’oeuvre absolu du féerique architectural, ou «Les piliers», d’un style comparable, en plus hiératique, nous rappellent en effet que Doïna de Watazzi peint à l’humeur, au coup de coeur, sans règle de style ou asservissement à un quelconque courant.  Pure coïncidence, si au cours de ses envols créateurs picturaux il lui arrive de frôler Cézanne, van Gogh ou Chagall et de poursuivre sur sa lancée au-delà de ce qu’osèrent ces maîtres, du moins, à ma connaissance.  Je pense à des merveilles comme «L’illuminé» ou «Les anges» qui font la transition vers la «nouvelle?» Doïna et ses incendies chromatiques.  Notamment ses tableaux «Le pan», «Licorne et Amazone» et «Rêve de Venise» en sont de somptueux exemples.

Ne ratez surtout pas cette trop rare occasion d’aller admirer la peinture (en attendant ses sculptures, mais ça, c’est une autre histoire et à chaque jour suffit son plaisir) de l’une des plus talentueuses artistes peintres du pays, amis lecteurs.  Encore peu connue, sans doute, mais – vous pouvez me le croire – elle ne le sera plus longtemps.  Son exposition est ouverte jusqu’au 31 juillet; l’entrée est libre, mais elle ne peut être visitée que sur rendez-vous, en téléphonant à madame Sara Corti (4301.38254 ou 621.311.423), soit à l’artiste elle-même (2625.9803 ou 621.366974).   




[1]  La Galerie Goerz ne se trouve plus Rue des Bans, mais au 48a, rue Michel Rodange.

[2]  Oeuvrant pour une utopie qu’il nomme Orcident ou Occirient, Jalel El Gharbi est un universitaire tunisien fortement engagé dans le dialogue des cultures. Il enseigne à l’université La Manouba-Tunis et est aussi traducteur, poète, essayiste et, accessoirement, correspondant de notre Zeitung vum Lëtzebuerger Vollek.

[3]  Centre de Conférences de l’Office Infrastructures et Logistique Luxembourg – OIL, Bâtiment Jean Monnet, rue Albert Wehrer, Luxembourg Kirchberg. Exposition Doïna de Watazzi jusqu’au 31 juillet