jeudi 31 mai 2012

تميم البرغوثي - في القدس


Voulant me rendre auprès de mon amour, j’en fus dissuadé
Par les lois des ennemis et par leur mur
Alors je me suis dit c’est peut-être une bénédiction
Car que peut-on voir à Jérusalem
Quand du sentier on en aperçoit les maisons
On ne voit que l’insoutenable
Et il n’est pas dit que rencontrer son amour
Soit toujours un bonheur ni que toute distance soit néfaste
Si l’on est heureux de retrouver son amour alors qu’on doit se dire adieu
C’est son bonheur même qu’on devrait redouter
Quand on a vu l’antique Jérusalem une seule fois
Où que l’on regarde, c’est elle qu’on aperçoit

Il y a à Jérusalem un marchand de légumes de Géorgie
Las de son épouse, il pense à ses vacances ou à repeindre la maison
Il y a à Jérusalem un homme de Manhattan Uptown
Qui enseigne à de jeunes Polonais les préceptes de la Torah
Il y a à Jérusalem un policier éthiopien interdisant l’accès au souk
Une mitrailleuse sur l’épaule d’un colon de moins de vingt ans
Un chapeau qui s’incline devant le mur des lamentations
Des touristes français blonds qui ne voient absolument rien de Jérusalem
Se contentant de se prendre en photo avec une femme qui toute la journée vend des radis sur la place
A Jérusalem les soldats marchent avec leurs bottes sur les nuages
A Jérusalem nous avons prié à même l’asphalte
A Jérusalem, il y a tout le monde excepté Toi... (Traduction Jalel El Gharbi)

mercredi 23 mai 2012

Norton Hodges : I Heard My Mother Sing. Avec une traduction d'Atanase Vantechev de Thracy

OEuvre de Christoff Debusschere
I Heard My Mother Sing: An Elegy for My Mother

In the early morning,
I heard my mother sing
With a voice as pure
As milk bottles fresh
And squeaky clean enough
For the milkman to collect,
And she sang:

This music is mine
To get me through the day.

Around about noon,
I heard my mother sing
With a voice as pure
As a spring wind that
Blows the weekday
Washing warm and dry,
And she sang:

This is my real voice
That only you will hear.

In the early afternoon,
I heard my mother sing
With a voice as pure
As a house that smells
Of lavender and pine, of
Windows where the lights of heaven shine,
And she sang:

I will make this a house
Where every song will be in tune.

In the evening,
I heard my mother sing
With a voice as pure
As a meal laid on
A white cloth, a
High altar for high tea,
And she sang:

While the music is inside me
I’ll sing it straight and true.

Just before bedtime,
I heard my mother sing
With a voice as pure
As an ordered airing cupboard,
As a tidy drawer, a warm
Bed for a child to sleep in,
And she sang:

You may need to learn
How to read my music too.

In the night time,
I heard my mother sing
With a voice as pure
As a rare happy dream,
As the sound of silence
When the darkness falls,
And she sang:

Sing my song for me
For my voice is fainter now.

In another place,
I heard my mother sing
With a voice as pure
As the sea’s rhythm on the rocks,
As the perfect flight
Of a white seagull on an upward draught,
And she sang:

Now I must rest my voice,
This song is my gift to you,
Sing it well.

J’entendais ma mère chanter
(élégie pour ma mère)

Tôt le matin,
J’entendais ma mère chanter
D’une voix aussi pure
Que les bouteilles de lait frais
Si irréprochablement nettoyées
Que le laitier pouvait les reprendre,
Et elle chantait:

Cette musique est ma musique,
Elle m’aidera à passer la journée.

Autour de midi,
J’entendais ma mère chanter
D’une voix aussi pure
Qu’un vent de printemps
Qui souffle un jour
Sur la lessive de la semaine,
La réchauffe et la sèche,
Et elle chantait:

C’est ma voix réelle
Qu’à toi seul il sera donné d’entendre.

En début d’après-midi,
J’entendais ma mère chanter
D’une voix aussi pure
Qu’une maison qui fleure
La lavande et le pin,
Et aux fenêtres où se reflètent
Toutes les lumières du ciel,
Et elle chantait:

Je vais faire de cette maison
Un lieu où chaque chant sera harmonie.

Le soir,
J’entendais ma mère chanter
D’une voix pure
Comme un bon repas posé sur
Une nappe blanche,
Comme un maître-autel dressé
Pour un goûter dînatoire,
Et elle chantait:

Tant que la musique vit en moi
Mon chant sera mélodieux et vrai.

Juste avant le coucher,
J’entendais ma mère chanter
D’une voix pure
Comme un sèche-linge bien ordonné,
Comme un tiroir soigneusement rangé,
Comme un lit chaud
Où un enfant peut dormir heureux,
Et elle chantait:

Bientôt il te faudra apprendre aussi
À lire comme il faut ma musique.

La nuit,
J’entendais ma mère chanter
D’une voix aussi pure
Qu’un rêve heureux,
Que le son du silence
Quand tombent les ténèbres,
Et elle chantait :

Chante ma chanson pour moi
Car plus faible est à présent ma voix.

Quelque part ailleurs,
J’ai entendu ma mère chanter
D’une voix aussi pure
Que le rythme de la mer
Caressant les rochers,
Que le parfait vol
D’une mouette blanche
Emportée bien haut par un courant,
Et elle chantait:

Maintenant je dois faire reposer ma voix,
Cette chanson est mon cadeau pour toi,
Chante-la bien.

jeudi 17 mai 2012

هويامال

C'est par le chant que les chameliers d'Arabie donnaient du courage à leurs montures. Et c'est également également grâce au chant que les marins d'Arabie mettaient du coeur à l'ouvrage.
Dans les deux contextes, ce que l'on chante c'est toujours les amours contrariées, la distance.


mercredi 16 mai 2012

Scherzo historique de Giulio-Enrico Pisani


Luxembourg, 15.1.2004

Scherzo historique de  Giulio-E. Pisani paru dans Kulturissimo du 3.3.2004

Les charmes indiscrets de la mémoire 

Ephémères comme papillons, les échos de Madame Butterfly pâlissaient dans la mémoire auditive du comte Georg au fur et à mesure que ses pas l’éloignaient du Théâtre. Le bel canto ne l’emballait guère. Seul son amour sempervirent pour la princesse Olga lui faisait accepter ces corvées musicales et mondaines.
L’obscurité s’épaississait. Ci et là, le halo lumineux d’une lanterne bravait les ténèbres du Warmer Damm, dont la verdure aristocratiquement cultivée perdait à cette heure tardive la noblesse jardinière de la Kurstadt pour frémir avec un tiers des parcs du monde dans d’inquiétantes pavanes nocturnes. Les jardins devenaient pièges, les buissons coupe-gorge, les arbres guet-apens, les ombres spectres et les rares lumières faux semblants. Mais aucune de ces menaces réelles ou imaginaires ne troublait le comte, dont bien d’autres fantômes hantaient l’histoire et de cruels fantasmes un passé trop récent.
Six années auparavant il avait envoyé au président Laval l’expertise Silberstein certifiant ses droits à la couronne grand-ducale. Luxembourg ! Mais quelle folie l'avait-elle poussé à quêter un trône dont tout faisait craindre qu’il finît broyé entre ses gigantesques voisins ? Lui, le dernier mâle des Nassau, beau-fils d’Alexandre II Romanov et petit-fils du prince des poètes: Alexandre Pouchkine! Quelle humiliation d'avoir été débouté par le parlement en faveur de Marie-Adelheid qui le narguait depuis un an du haut de son Lilliput ! Il dut pourtant sourire en reconnaissant que cette dernière pensée avait un goût de raisins surs.
Il ne pensait pas qu'Olga remarquerait son absence de la loge avant l’entracte. Sa sensiblerie devait être aussi sollicitée par Puccini que son attention par l’incessant papotage de sa cousine Vera, que le prétexte des eaux sauvait du climat délétère de Saint Petersbourg, où Raspoutine engraissait sur la folie d’Alexandra Fedorovna et l’agonie du Tsarevitch Alexis!  Saint Petersbourg, où mijotait la fin du monde… ou, pour le moins, d’un monde!
Il était temps de rebrousser chemin. Un instant, ne retrouvant aucun de ses repères coutumiers, il craignit s’être perdu. Mais une voix de femme, argentine comme la lune qui venait de poindre, glissant comme un rayon le long d’une chanson dont il ne comprenait que des bribes, lui fit penser avoir tourné en rond et se trouver près du théâtre...
«... Du huôs mech un déng Broscht gedréckt, Du hues mat éschter Léftgewalt a welle Bêse méch erstéckt...»[1]
N’était-ce pas du luxembourgeois? Ce langage si proche du franconien de la Moselle? Cette langue qu’il avait espéré faire un jour sienne?  Il en suivit le son, et, après s’être faufilé entre deux charmes, se retrouva sur la Wilhelmstrasse. Une femme lui apparut. Lumineuse, élancée, à la beauté oublieuse des verdeurs post-pubères, elle arpentait l'allée près d'un cabriolet à l'arrêt, le capot ouvert.  Deux hommes confabulaient, penchés sur la mécanique.
«Je regrette, Herr Sanitätsrat, je n’arrive pas à faire démarrer la machine», dit l’un, qui, à en juger de son béret, devait être le chauffeur. «Bon», fit l’autre en se redressant. «Faisons contre mauvais sort bonne figure ! Allez donc chercher un cab, mon brave, et faites venir un mécanicien !»  Puis, s’adressant à la femme qui continuait à chantonner «… Déng Ân hun an der Donkelhêt gebrant e wé Karfonkelstên…»[2]: «A moins que vous ne préfériez  rentrer à pied, très chère.  Mais je crains que nous en ayons pour trois bons quarts d’heure.»
- Permettez-moi de me présenter, lança alors Georg, en avançant d’un pas: - Comte de Merenberg. Puis-je vous offrir mon aide, et vous prier de partager ma loge au théâtre ? Non pour écouter Madame Butterfly, mais pour y attendre, si vous le désirez, votre cab plus confortablement que sur l’avenue. D’autre part, ayant encore deux places disponibles dans ma limousine, je pourrais vous déposer chez vous à la fin de la représentation.
- Doktor Bernard Geiger, à votre service. Vous êtes trop aimable, Monsieur le comte. Mais j’accepte de bon cœur, d’autant plus que mon épouse risque de ne pas trop apprécier le côté sportif de notre mésaventure.
- Madame ne serait-elle pas luxembourgeoise? demanda alors le comte, après avoir effleuré d’un baiser le dos de la main qu’elle lui tendait.
- Ça se voit tant que ça? répliqua-t-elle en souriant.
- Non, mais votre chanson…[3]
- Ah oui, l’interrompit le docteur en riant franchement.- Helen est musicienne, et elle est effectivement luxembourgeoise de naissance. Pire! Depuis trois jours elle essaie de mettre en musique ces drôles de vers. Je n’entends plus que ça.
- Comme c’est charmant, s’exclama le comte.- Je dois reconnaître que mon second contact avec le Luxembourg est infiniment plus sympathique que le premier. Mais peut-être m’y suis-je pris trop tard.
- Ou trop tôt… le matin, suggéra Helen, espiègle.[4]
- Ah, l’amour! persifla le docteur.- Helen est une incurable romantique. Elle voit des romances même au fin fond le plus poussiéreux de la Minette. C’est dans le sud que bat selon elle le cœur du Luxembourg. Au nord, c’est la politique.
- Wo d’Eise wîst als feirégt Îrz hun éch den éschte Krêsch gedun[5] chantonna Helen
- Vous n’allez quand même pas faire une guerre de sécession, au Grand-Duché ? ironisa le comte.
- Ni de sécession, ni de succession, Monsieur le comte, répliqua Helen en rougissant.
- Touché! Celle-là, je ne l’ai pas volée, s’ébaudit le comte.-  Mais venez, mes amis, ne tardons pas trop. Le deuxième acte doit avoir commencé.

*
NB : Si vous ne me croyez pas capable d’entendre le langage des arbres, la rencontre contée ci-dessus restera pour vous, en dépit de la parfaite historicité des personnages, un pur produit de ma fantaisie.  Autant les faits relatés que les dialogues sont donc imaginaires et sans rapport aucun avec ce qui est connu.

Wiesbaden, Am Warmen Damm, 15 janvier 1914 – 15 janvier 2004


[1]  «... Tu m’as serré contre ton sein, Tu m’as étouffé d’authentique violence amoureuse et de baisers sauvages...»
[2]  «... Tes yeux ont flambé dans l’obscurité comme des escarboucles...»

[3]  La version définitive de cette chanson (avec accompagnement au piano) d’Helen Buchholtz  sur des paroles de Siggy fu Letzeburg sera intitulée Séleschmîrz et publiée par l’Éditeur Felix Krein, d’Esch/Alzette.

[4] Trop tôt le matin : jeu de mots se référant au mariage morganatique des parents du comte, Natalija Pouchkina et Nicolas de Nassau, qui renonça au trône du Luxembourg pour épouser la fille d'Alexander Pouchkine.  Le terme «morganatique» vient en effet de l'allemand «Morgengabe», don du matin.
  
[5]  «Où le fer croît comme minerai ardent, j’ai poussé mes premiers cris (pleurs d’enfant)…

mardi 15 mai 2012

Daniel Aranjo : Tu nous a menti, Leopardi.



TU NOUS AS MENTI, LEOPARDI
Daniel Aranjo. 

Tu nous as menti, Leopardi : le réel vaut encore la peine
et Recanati même où ton, propre, cœur jadis tranché lange le coin de chaque rue,
où le samedi humide de village rebrille non en village mais sur la placette nette de ton propre palais,
où l’on fait des chandails d’argent à ta noire effigie de pop star,
où ton pensif passereau solitaire roucoule, gras pigeon, à la Tour du Passereau solitaire,
où nos cafés se nomment l’Infini, ma boutique, la Bottega di Silvia, mon hôtel, le Genêt, à savonnette verte le Genêt, ressemant cette fleur antique de notre mal, poudreuse, sous nos pas poudreux à chaque tapis poudreux d’escalier
et où cet infini même, spirituel et matériel, sensible mer au-delà de nous-mêmes sans que tu le saches,
sous tant de haies neuves et obscures replantées sur ta haie à la petite proue (monumentale) de ta ville escarpée
- bien loin, bien loin de cette campagne, pour un peu escarpée, et du thabor érémitique de nos livres très à l’écart d’une cité où je l’avais d’abord crue avant que de venir ici -
est devenu, prophétique et ombreux, un souple jardin public où l’on sent qu’eût pu naître un culte mais en d’autres siècles :

c’est que le chant du néant rebâtit, sur son site, son propre néant de briques réelles
tel un enfant devenu grand sur le cadavre de l’enfance qu’il fut
et que ta haute statue pâle et lisse de nostalgique archonte, presque beau, d’une ville presque seigneuriale et belle
(autour de sa noire église, brillante et noire, où l’on s’apprête à jouer quelque chose, à nouveau, de fictif)
semble, quoique penchée, nettoyer jusqu’au son, du moins présent, de quelque ciel ou quelque vent sans souffle.

Mais non, Leopardi, tu n’as jamais menti :
ton large, large palais brun domine sans fenêtre encore quelque chose comme un précipice absent,
fermé comme il est dans cette longue ville close sur son précipice sous sa travailleuse lune.
Plus de village, mais une ville. Plus de cloche de village, mais celle d’une ville désirable, village lointain de placette nette, juste devant chez toi,
comte Leopardi, car le spleen du spleen cela existe encore, et la nostalgie de cette nostalgie et de lambeau ducal que vraiment nous fûmes
en ce village vrai, écussonné de rien, bien loin d’ici et pourtant bien d’ici : quelque chose de maigre et de vaste, avec des invasions et la bibliothèque du monde tout autour.

L’infini, à moins d’en faire un chiffre, ne se voit que quand on ne le voit pas,
le lac Trasimène, bleuté, vaut moins que son nom sous un ciel de céramique quand on en fait par hasard le tour,
les vagues flammes de l’Ourse, symphoniques de loin et discordes de près tel un bal de hameau, resteront toujours vagues alors que tu viens d’écrire en 1813 une Histoire de l’astronomie des origines à 1811
un chant de rainette et une chapelle à chaque pas (presque autant qu’à Assise ou que palais et qu’illusions aux cieux, dont une Sainte-Marie de quelque chose jusqu’en face de chez toi
entre le métier chantant de Silvia et ta fenêtre dépolie qui t’aide à presque voir en tes 12.000 volumes mais jamais cet exécré Recanati fût-ce au fond de tes trois lanternes magiques où se retraduit en couleurs l’envers noir et le négatif infini du monde)

et c’est samedi de village aujourd’hui, comte Leopardi, et c’est jour de marché devant un gymnase à ton nom, c’est le vide affairé de la nuit en plein jour
- ou de la nuit à refaire en soi, comme aujourd’hui, avec ce jour presque tiède, presque pluvieux de Recanati entre frère et maternelle sœur
ah aussi loin aussi loin que possible du regard toujours sans regard et de la bouche d’ombre d’une satanique mère trop chrétienne
et de cette colline jamais vide qui n’est pas même une colline que tes concitoyens, pour se faire pardonner le mal qu’ils t’ont fait, quand tu reposes si loin d’ici, si près de toi et loin de toi à la fois, ont collée en ville tout près de chez eux si loin
d’une vide colline, à jamais qu’est ton poème

*

(Ah, comte Leopardi, faut-il toujours voir de près
ce qu’on pensait voir de loin, libre de tout lieu, à travers la symphonie ?)

Avec le professeur Nicola Ruggiero, éminent spécialiste d'herméneutique léopardienne.

samedi 12 mai 2012

Arab song _ ‎ صباح فخري - قل للمليحة في الخمار الأسود


Rien ne vous sauvera du désir ai-je pensé en écoutant cette chanson où l'on voit que trop de foi tue la foi.
Le dernier vers est censuré dans toutes les versions que j'ai pu consulter. Rien ne vous sauvera de l'oecuménisme !

Demandez à la belle drapée dans son voile noir
Ce qu’elle a  fait d’un ascète tout à sa piété
Il avait retroussé ses manches pour prier
Lorsqu’elle lui est apparue devant la porte de la mosquée
Lorsqu’elle a fait  apparition du côté de la porte du Couchant
Gloire à Dieu, gloire à Dieu
O vous qui vous prosternez devant Dieu
Implorant et suppliant le Sauveur
Vous qui priez pour que dans l’au-delà il intercède en votre faveur
Demandez à la belle drapée dans son voile noir
Ce qu’elle a fait d’un ascète tout à ses prières
Elle l’a soustrait à ses certitudes et à sa foi 
Et elle l’a abandonné à son inquiétude
Tout à son égarement
Rendez-lui ses prières et son jeûne 
Ne le tuez pas par le prophète Mohamed
Rendez-lui ses prières et à son jeûne
Ne le tuez pas par Jésus et par Mahomet

Traduction de Jalel El Gharbi

mardi 8 mai 2012

Sur le lys, sur les chardons
Sur le pommier, sur les arbres de la forêt
Sur le cantique, sur les rengaines
Sur le radeau, sur les naufrages
Sur les peines, sur l'amour
L'amour ne nous apprend rien.


Sul giglio, sui cardi                                            
Sul melo, sugli alberi della foresta                      
Sul cantico, sui ritornelli                                  
Sulla zattera, sui naufragi                                
Sui tormenti, sull’amore                                  
L’amore non ci insegna niente
Traduzione di Pina Isopo

lundi 7 mai 2012

Avant de fermer les yeux
J'ai vu un poète qui m'a dit avoir vécu
Près de Damas et avoir écrit  une épître du pardon
Il m'a dit qu'il ne comprenait rien à ce que j'avais
Et qu'il ne me voyait même pas.


Prima di chiudere gli occhi
Ho visto un poeta che mi ha detto di aver vissuto
Vicino a Damasco e di aver scritto un’epistola del perdono
Mi ha detto che non capiva niente di cos' avevo
E che non mi vedeva nemmeno.
Traduzione di Pina Isopo

Lecture matinale de Pascal


Pascal - Qu’est-ce que le moi ?

Qu’est-ce que le moi ? 

Un homme qui se met à la fenêtre pour voir les passants ; si je passe par là, puis-je dire qu'il s'est mis là pour me voir ? Non ; car il ne pense pas à moi en particulier ; mais celui qui aime quelqu'un à cause de sa beauté, l'aime-t-il ? Non : car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu'il ne l'aimera plus. 

Et si on m'aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m'aime-t-on? moi ? Non, car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même. Où est donc ce moi, s'il n'est ni dans le corps, ni dans l'âme ? et comment aimer le corps ou l'âme, sinon pour ces qualités, qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu'elles sont périssables ? car aimerait-on la substance de l'âme d'une personne, abstraitement, et quelques qualités qui y fussent ? Cela ne se peut, et serait injuste. On n'aime donc jamais personne, mais seulement des qualités. 

Qu'on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n'aime personne que pour des qualités empruntées.
Blaise Pascal - Pensées (688 - Édition Lafuma, 323 - Édition Brunschvicg)

Rimski Korsakov , Shéhérazade سنفونية شهرزاد

dimanche 6 mai 2012

La vie est un voyage, Giulio-Enrico Pisani




Giulio-Enrico Pisani, Lux., 3 mai 2012
Publié dans le Zeitung vum Lëtsebuerger Vollek
La Vie est un Voyage

Comment, aussi bien la photographe Myriam Barbara Ziadé que le sculpteur Hung (John Lau Kwok Hung), pourraient-ils mieux définir la vie que par le voyage?  Toute vie est déjà en soi un voyage, mais chez ces deux artistes, c’est une profession de foi.  Dès lors, comment les suivre au cours de leurs fantastiques icarides?  Comment les trouver, sinon au cours de trop courtes pauses, en ces lieux où, nouveaux enfants de Dédale, ils se posent sans cure du soleil dont ils ont saisi au passage mouvement chaleur et lumière?  Il faut les aborder lorsqu’ils touchent terre, ici ou là, lors de ces brefs arrêts aux jolis noms de Clairefontaine,  Neumünster,  San Benedetto à Loppiano, Wildschönau, ou, tout simplement Cravat Luxembourg.   Cependant, pour revenir à des considérations plus triviales, l’hôtel Cravat a ceci de remarquable, même pour ceux qui n’y dorment, ni y dînent, qu’on a su y mettre en valeur de manière magistrale les photographies de Myriam et les sculptures de Hung.  On y jouit pleinement d’une combinaison harmonieuse de voyage intérieur et transcontinental, de yin et de yang, d’un monde où l’art flamboie dans sa diversité et son unicité, où Coré (con)vole avec Pluton, où l’orient et l’occident ne font plus qu’un.  Rien n’y empêche le spectateur de cette globalisation avant la lettre de se dire à l’instar du poète Jalel El Gharbi: «... mon monde est impair i.e. indivisible par deux. Et il m’arrive même de rêver d’Orcident et d’Occirient.»   
Myriam Barbara-Ziadé,
que je vous ai déjà présentée bien trop brièvement trois fois, m’a enfin permis d’admirer davantage qu’un ou deux de ses tirages lors d’expositions collectives et de participer, sinon exhaustivement, du moins un peu plus en profondeur, à ce génie migrant de la lumière qui est le sien.  Mais quelle lampe magique a-t-elle donc frotté par mégarde?  Cet esprit créatif qui sourd de ses entrailles, rebondit sur les mille facette du monde, qu’elle transpose dans ses clichés et nous offre en partage, ne l’a en effet pas seulement transportée de son Liban natal jusqu’à notre petit Luxembourg, mais la fait vivre en permanence au rythme des pulsations de l’humanité.  Quoi d’étonnant qu’on ne veuille pas manquer d’en apprécier les quelques parcelles qu’elle veut bien nous offrir en partage?
Photographe artiste conceptuelle libano-luxembourgeoise, Myriam est née à Beyrouth en 1960.  Elle n’a que quinze ans lorsque éclate la guerre (1975-1990). Malgré bien de difficultés, elle entreprend des études d’arts graphiques à l'Académie des Beaux Arts à Beyrouth, mais finit par émigrer en Europe.  Depuis 1990, elle vit et travaille au Luxembourg, participe à de nombreuses expositions – surtout collectives – est lauréate de plusieurs prix et a obtenu en 2011 le 1er prix du concours international «Changes/Chagements» du CCRN (Centre Culturel de Rencontre Abbaye de Neumünster).  Elle a participé en outre à des ouvrages de Gila Paris & Frank Shifreen , comme «Eutopia- Artistic Visions Of Europe» et «Rooted-The première».
  «À travers mes photos», nous confie-t-elle, «j'essaye de débusquer dans les images (...) le sens profond de la vie et de l'homme dans ce qu'il a de plus beau et de plus précieux. Pour mes portraits, je cherche à établir une complicité entre les modèles et moi afin de transmettre l'émotion, la poésie du moment. Mes séries d'images conceptuelles traduisent et illustrent ma propre vision des choses en mettant l'accent sur le graphisme et les couleurs.»  Et quelle vision!  Ah, ces tirages dans lesquels ont peut plonger comme si c’était au fond des yeux quasi-omnivoyants de la photographe!  Et Myriam de nous entraîner dans ses voyages extraordinaires vers des lieux au nom ne figurant dans aucun prospectus touristique, mais qui évoquent l’humanité, ses oeuvres et ses souffrances, l’humanisme, ses valeurs et son espérance, la nature et l’homme face son immensité... C’est des noms comme Barbelés, Cordon ombilical, Sérénité, Linked, Souvenir, Elan et j’en passe.  Sans parler de ses compositions, dont la perfection technique et la beauté transcende à tel point la générosité visible de l’artiste, que la combinaison de leurs seules qualités esthétiques et chromatiques en fait un régal optique qui ne doit rien au sujet.  

Hung,
C’est l’inondation, le feu, mais aussi la passion tranquille, le voyage permanent, la fusion de toutes les sculptures du monde, la synthèse de la calligraphie chinoise et de la puissance michelangelesque.  John Lau Kwok Hung de son vrai nom est né à Hong-Kong en 1953.  Il se passionne pour la calligraphie en s’installe en 1973 en Italie, travaille en tant qu’artiste au Centre Azur de Loppiano (Incisa in Val d’Arno), fait partie du Gen Rosso (International  Performing Arts Group), y pratique jusqu’en 1981 la danse et le chant, participe à plus de 300 spectacles en Europe et en Asie et étudie sculpture à l’Académie des Beaux-Arts de Florence.  Suivent journalisme et calligraphie à Manille (Philippines), atelier de sculpture à Montet (Suisse), ainsi que la récolte de nombreux prix, puis sept ans sans activité artistique (à la recherche de son mìng yùn?) en Corée du Sud.  En janvier 2000, de retour à Loppiano après 20 ans d’absence, il aura raté la Renaissance de peu – quatre siècles – mais trouvera dans les collines surplombant l’Arno sa renaissance... à la sculpture.  
Ses plastiques son extraites du métal à la flamme oxhydrique comme des idéogrammes chinois où s’entrelacent des baguettes de fer qui définissent objets et personnages. Hung habille ses sculptures de fer avec une succession de gouttes incandescentes de métal en fusion, en révélant ça et là quelques traits anatomiques.  Silhouettes dansantes, emblèmes-synthèses, présence qui interpelle, chaque sculpture est réellement un dessin en trois dimensions, qui rappelle…«le dessein», le projet de vie qui est dans chaque être humain et dans toute l’humanité.  En même temps, le jeu visuel du plein et du vide fait penser à la «transparence» vers laquelle chaque œuvre tend, afin de permettre au spectateur de pénétrer et de rencontrer  les éléments de sa plus profonde raison d’exister.

Il est inutile d’énumérer ici les nombreuses expositions auxquelles Hung a participé, ainsi que les prix obtenus.  L’essentiel est pour vous, amis lecteurs, de savoir, que dans le grand hall de l’hôtel Cravat vous attend aujourd’hui et jusqu’au 9 mai une exposition exceptionnelle.  C’est une symbiose unique d’Orient et d’Occident, de Renaissance et d’expressionnisme moderne, de passion déchaînée et de sérénité confucéenne dans nombre de sculptures aussi saisissantes qu’émouvantes, frémissant d’un réalisme qui s’en voit tout à la fois transfiguré et transcendé.  Héritier des Wang Xizhi, Ni Zan, Cellini, da Vinci, Rodin et autres Giacometti, Hung développe dans ses artéfacts un vibrato plus riche et vif que nature, allant du grave con forza à l’allegro, voire au vivacissimo.  Il leur insuffle une plénitude dont l’énergie vitale se transmet, comme dans une diode, les tourments du fer et de l’airain au spectateur envoûté.

   1 lire www.zlv.lu/spip/spip.php?article896 et www.zlv.lu/spip/spip.php?article926.
   2 lire www.zlv.lu/spip/spip.php?article7077


Carco, Jean Ferrat 1995 2/11

Francis CARCO - Le doux caboulot