mardi 27 novembre 2012

jeudi 22 novembre 2012

Un almanach pour l'hiver


Almanach pour l’hiver

L’hiver avec ses pluies et ses échéances agricoles révèle l’insuffisance de nos calendriers. Aussi les gens recourent-ils à un calendrier agricole qui remonte très loin dans le temps. En Tunisie, subsiste ce calendrier agricole dont les services météorologiques reconnaissent l’efficience et que les almanachs ne manquent pas d’utiliser. Chercher des règles régissant les phénomènes météorologiques est un souci universel. Le canon qui régit cette recherche est simple, il s’agit de passer de l’observation séculaire à la formule. En France, l’hiver est la saison où le recours à la sagesse des proverbes se fait le plus fréquent. Ici se trouve condensée toute l’expérience et tout le savoir ancestral : « A la Saint Luce (13 décembre), les jours croissent du saut d’une puce » ou « A la chandeleur, l’hiver se passe ou prend vigueur » ou encore « Noël au balcon, Pâques au tison ». En Tunisie, on ressort le calendrier agraire. C’est un calendrier qui date de plusieurs siècles. Le géographe et historien Al Massoudi le décrit dans son ouvrage Les Prairies d’or. Ce calendrier, qui est solaire et non pas lunaire, s’avère d’une grande fiabilité. En plus, il offre l’avantage d’être foncièrement poétique.
L’hiver (du 29 novembre au 27 février) est ainsi subdivisé :
- 25 décembre : début des blanches nuits
- 13 janvier : fin des blanches nuits
- 14 janvier : début des noires nuits
- 2 février : (fourar, dit le pleureur) fin des noires nuits
- 3 février : début des « nubiles » (‘Azara) (10 jours)
- 13 février : fin des « nubiles »
- 14 février : Froidure de la chèvre (guerrat al anz)
- 20 février : chute de la braise de l’air
- 27 février : chute de la braise de l’eau
- 6 mars : chute de la braise de la terre
- 10 mars : les « suivis » (8 jours) (Hassoum)
- 17 mars : Fin des « suivis »
C’est au cours de ces « noires nuits » qu’il convient le mieux de planter des arbres. Un proverbe le dit « au cours des nuits noires, germe toute branche ». Ce sont ces nuits qu’on attend pour planter jasmins et citronniers.
Quant aux Hassoum, ils sont attestés dans le Coran. Le mot est traduit ici par « consécutifs » or « suivis » nous a semblé plus adéquat : « Et quant aux Aad, ils furent détruits par un vent mugissant et furieux que [Dieu] déchaîna contre eux pendant sept nuits et huit jours consécutifs ; tu voyais alors les gens renversés par terre comme des souches de palmiers évidées. En vois-tu le moindre vestige ? Pharaon et ceux qui vécurent avant lui ainsi que les Villes renversées commirent des fautes. Ils désobéirent au Messager de leur Seigneur. Celui-ci donc, les saisit d'une façon irrésistible. » (Al Haqqa, 6-10)
La légende populaire raconte l’histoire d’une femme hérétique qui aurait tenu tête à un prophète antérieur à Mohamed et que Dieu aurait métamorphosée en chèvre. La nuit la plus froide de l’hiver est un châtiment qui lui est destiné. Dans le calendrier antéislamique, on relève la présence de cette « vieille » qui est également attestée dans un poème antéislamique. Mais l’histoire n’en dit pas plus sur elle.
Selon ce calendrier antique, le printemps se signale par le réchauffement des éléments : air, eau et la terre. Fourar (février), le pleureur, terminé, le réchauffement va grandissant et les pluies se font rares et précieuses. Loin de Tunis, où l’on préfère ne pas se mouiller, les gens espèrent avec ferveur qu’il pleut en mars. La qualité des récoltes est tributaire des capricieuses pluies de mars : « pluie de mars est or pur » stipule un dicton. 

samedi 17 novembre 2012

Si j'étais muphti

Il y a deux versets coraniques que le mufti de Tunis devrait rappeler à ceux qui croient que la grève de la faim est permise par la religion musulmane. "Ne vous jetez pas de vous-même dans le péril" II, 195 ولا تلقوا بأيديكم إلى التهلكة et "Ne vous donnez pas la mort : Dieu sera miséricordieux avec vous" IV-29 وَلا تَقْتُلُوا أَنْفُسَكُمْ إِنَّ اللَّهَ كَانَ بِكُمْ رَحِيماً.
Si l'on prétexte du djihad, qu'il soit rappelé que le djihad a des conditions très précises :  avoir été persécuté pour sa foi et avoir été expulsé de chez soi :  "Dieu vous interdit d'avoir pour alliés ceux qui vous persécutent pour votre foi et qui vous expulsent de chez vous LX-9 إِنَّمَا يَنْهَاكُمُ اللَّهُ عَنِ الَّذِينَ قَاتَلُوكُمْ فِي الدِّينِ وَأَخْرَجُوكُم مِّن دِيَارِكُمْ. Si j'étais muphti, j'aurais estimé de mon devoir de rappeler ces vérités à ces jeunes salafistes manipulés par des forces occultes et dont deux viennent de mourir suite à une grève de la faim.  

jeudi 8 novembre 2012

Des passantes et des passants : nouvelle publication

Les éditions Op der Lay (Luxembourg) viennent de publier Des passantes et des passants : désirer, être désiré(e) de Jalel El Gharbi et Giulio-Enrico Pisani. Illustrations de Carole Melmoux
Pour toute commande, merci de s'adresser aux éditions Op der Lay, Madame Doris Bintner, doris.bintner[@]reka.lu, (après suppression des crochets)
200 pages, Hardcover, 155 x 230 mm
ISBN 978-2-87967-182-6
Commander en effectuant un virement de 32 EUR (pas de frais d'exp. en UE pour ce montant) au compte de l'éditeur auprès des Comptes chèques postaux Luxembourg sur le n° IBAN CCPL LULL LU08 1111 1118 7433 0000, avec mention du titre

€ 32,00 (+ évent. Frais d’envoi.)

Portrait d'un djihadiste tunisien. Par Boubaker Ben Fraj

Marwan, un aller simple vers Istambul
Boubaker Ben Fraj


«  Je suis contente pour mon fils,… je suis fière de lui…. si j’avais un autre fils, je l’enverrais aussi… c’est une fierté pour toute la Tunisie !»
 C’est par ces phrases  courtes et tranchantes, que la  mère  du jeune jihadiste Tunisien Marwan Achouri, tué au quartier Al-Mayadin à Damas au cours du mois de Juillet dernier, a répondu à l’envoyé de la chaine «  France 24 », venu recueillir à chaud ses sentiments, suite à la terrible nouvelle qu’elle venait d’apprendre  via la télévision syrienne.
Face à la caméra, le visage  endurci par la douleur du  deuil de son unique fils, la mère de Marwan ne laissait trahir ni faiblesse, ni tristesse, ni regret. Elle ne cherchait pas de consolation et ne voulait susciter ni compassion, ni pitié.
Dans   son attitude stoïque et inébranlable, qui nous  rappelle celle  bien lointaine d’Asmaa bint Abû-Bakr face à la mort de son fils Abdullah Ibn -Zûbeir aux premiers temps de l’Islam, la mère affligée se disait « fière » du courage de son fils, et même «  heureuse » de son martyr  pour la   noble cause de l’Islam.
 Plus, elle se  montrait confiante  dans  le paradis  promis à Marwan par  « l’oracle »  d’un cheikh obscur qu’il avait croisé  sur son chemin en Libye ;  sûrement l’un de ces  cheikhs missionnés pour pousser Marwan et d’autres comme lui,  à se jeter , sans se poser de questions, dans  le brasier infernal de la guerre civile qui se déroule en Syrie.
En effet, Marwan- que Dieu l’entoure de sa miséricorde - maintenant inscrit sous le N°21305 dans   le long registre des  victimes de cette guerre,  n’est pas le seul jeune Tunisien qui ait     perdu la vie en Syrie, plusieurs  l’ont  fait avant lui, et d’autres sont déjà prêts à faire de même. Qui sont-ils ? Des noms et des  visages bien de chez-nous : Abdelhadi Gdiri, Walid  Helal, Khemaies Mares, Bassem Jarrai, Boulbaba Boukelch…. et la liste s’allonge de jour en jour. D’autres, gravement  blessés sont entre la vie et la mort, tandis que   plusieurs dizaines de nos jeunes concitoyens subissent derrière les murs opaque et silencieux des prisons syriennes des sévisses «  gracieusement » servis par les geôliers de triste réputation du régime de Bachar-al -Assad. Tout ceci se passe, en l’absence unilatéralement et imprudemment décidée par notre gouvernement, d’une ambassade ou d’une quelconque représentation tunisienne, qui puisse leur fournir la moindre assistance ou  protection.
 La Tunisie serait-elle devenue si généreuse de la vie ses enfants,  si indifférente de leur sort, au point de  les  fournir  sans compter, comme chair à canon, dans une guerre fratricide  et lointaine, qui se serait en vérité, bien  dispensée de leur  concours et de leur engagement ?
Revenons sur les pas de Marwan  pour  imaginer, à partir des données que nous avons sur lui,  l’itinéraire qui l’a amené jusqu’à   son sort tragique. Nous le faisons, parce que le bref parcours  de Marouan  ressemble à celui de la plupart des jeunes qui ont suivi la même voie du Jihadisme, que celle qu’il a choisie.
 Né il y a vingt cinq ans dans une famille de condition  modeste   dans le quartier populeux et insalubre de Sijoumi , l’une des banlieue les plus déshéritées de la capitale, Marwan  fréquente comme les jeunes de sa génération et de son quartier  l’école , le lycée …et les cafés. Adolescent, il découvre la mosquée, fait la connaissance  des groupes qui s’y activent, et finit par être non seulement  un assidu de ses cercles et un fervent pratiquant; mais aussi un militant actif  au service d’une conception  rigoriste de l’islam, qu’il doit défendre et propager par le Jihad,  partout et au-delà de nos frontières.
Et c’est vers  la Syrie en pleine guerre civile, terrain devenu propice au Jihad   que Marwan  se décide à partir.
 Le restant du parcours n’est que détails: Une  traversée  discrète des frontières vers la Libye, où  sont établis les cheikhs recruteurs à la solde, un séjour  dans un camp d’entrainement et au final,  un   billet d’avion en aller simple à destination d’Istanbul.
 Débarqué  dans cette métropole qu’il voit pour la première fois,  il  jette un regard furtif et détaché sur les belles silhouettes des minarets de  l’Aya-sofia  et de la mosquée bleue, avant de rejoindre hâtivement la planque discrète dans laquelle  il passe la nuit,  avant    d’être dirigé clandestinement par les chemins de traverse, vers la frontière.
 Arrivé en Syrie, Marwan  est enrôlé dans une Katiba de  moujahidines étrangers, envoyé aux avant-postes les plus risqués,  et c’est là qu’il  succombe avant de mener son premier combat.
 Le cas de Marwan et des centaines d’autres jeunes Tunisiens engagés dans le Jihad en dehors de nos frontières : en Syrie, en Irak, en Afghanistan, en Libye, en Somalie, au Sahara  et dans d’autres lieux   nous oblige à nous poser les deux questions suivantes :
D’abord : pourquoi et comment  la Tunisie est-elle  devenue au cours de ces dernières années  l’un des plus grands terreaux pourvoyeurs de moudjahidines  de par le monde ?

Ensuite : que sera l’avenir de ces  jeunes moujahidines après leur retour en Tunisie, ou du moins ceux   qui auront  la chance d’y retourner sains et saufs ? Pourront-ils vraiment se réinsérer dans une vie normale,  et accepter sans difficultés les règles du jeu d’une société, qui ne croit pas comme eux, que le  Jihad  représente de nos jours un idéal   et une finalité ?

Deux questions  auxquelles il n’est peut-être pas facile  de trouver aujourd’hui  des réponses, en attendant, le spectacle insoutenable des mères désemparées, tenant chacune la photo-portrait d’un fils mort, blessé, emprisonné ou disparu dans des guerres étrangères, continuera à nous interpeller et à nous indisposer.


mercredi 7 novembre 2012

Sergio Moscona


Giulio-Enrico Pisani
Luxembourg 6 Novembre 2012

Sergio Moscona lève le rideau chez Schortgen sur
« Le théâtre de la vie »

Théâtre de la vie, comédie humaine ou humanité en dispute permanente, subconsciente ou apparente, politique ou larvée, tragicomique ou tragique tout court, voilà le spectacle aussi impressionnant que peu confortable présenté à la Galerie Schortgen [1] par le dessinateur, graveur et peintre argentin Sergio Moscona.  Voici un artiste qui, à l’instar de Goya, Picasso ou autres grands novateurs, ne peut en aucun cas être cerné par un bref coup d’oeil à travers la fenêtre ou même en un tour rapide de la galerie.  Car c’est un véritable dialogue que Moscona désire établir, non pas avec le visiteur nonchalant ou pressé, mais avec le spectateur-interlocuteur de ses personnages, ces gens très communs, qui peuplent les scènes de ses histoires courtes. 

C’est qu’ils sont incroyablement riches, ces visages et ces groupes, évoluant parfois dans le cadre d’authentiques récits, de ses peintures, techniques mixtes ou dessins.  Ils ne sont pas sans rappeler le puissant expressionnisme des compositions de peintres comme Giovanni Maranghi, Stylianos Schicho ou Marlis Albrecht, dont ils possèdent une charge de critique, voire de causticité comparable.  Mais ces artistes inscrivent leur vision dans l’instant, leurs tableaux étant, comme on dit en photographie, des flashes, des instantanées, des images illustrant une situation donnée à un moment donné, saisi lors du déroulement de la bobine «cinématographique» du temps.  Par contre, les créations mosconiennes apportent une dynamique nouvelle, un facteur essentiel en rupture avec cette sempiternelle servitude du dessinateur, du peintre, du sculpteur ou du photographe, qu’est l’instant qui se fige.  Mais Sergio Moscona y intègre, comme je le préciserai plus loin, aussi bien le mouvement que l’écoulement du temps, devenant ainsi son propre cinéaste et le metteur en scène de ses tableaux.

Ce n’est donc qu’après une approche attentive, acribique même, à peine aidé en cela par le titre de l’oeuvre, que le spectateur peut pénétrer la scène qui se présente à lui.  C’est comme s’il entrait dans un bistro, un marché, une place publique, un moyen de transport, donc un lieu quelconque, où il rencontrerait toutes sortes de gens et où se dérouleraient les faits représentés…  en plusieurs temps, bien sûr.  Aussi, les acteurs, que l’artiste projette sur un substrat de pages de livre riches de leur propre histoire [2] et/ou sur toile ou autres supports, n’étant pas censés rester immobiles dans l’action, le spectateur pourrait les voir simultanément de face et de profil, regardant par ci et par là, cogitant, riant, protestant, s’injuriant, etc.  Des personnages qui ont tourné la tête ou changé d’expression durant une scène, sans se déplacer, peuvent sembler avoir plusieurs yeux, nés, ou bouches, ces organes pouvant également être déformés, donner naissance à des espèces de monstres.  C’est ce que nous confirme avec justesse le philosophe Manuel Mauer en écrivant: «Moscona dépeint les monstres que nous sommes: noeuds opaques d’instincts, pulsions, représentations et organes, pensées perverses et affects misérables...»[3].   

Attention!  Rien à voir avec le cubisme, dont Moscona reconnaît toutefois volontiers en avoir subi l’influence, ainsi que tout artiste contemporain doit un enrichissement de son savoir à toutes les grandes écoles classiques et modernes.  Rien à voir, en effet.  Certes, Picasso dépeint le même sujet sous divers angles en dessin ou peinture; il projette, contrairement au sculpteur, diverses faces sur un substrat bidimensionnel, auxquelles il intègre par un artifice graphique, la troisième dimension.  Mais ses personnages n’évoluent pas; il reste lié au moment choisi (l’instantanée en photo).  Moscona, lui, n’en demande d’un côté pas tant et va cependant bien au-delà.  Il accepte, en bon graphiste, la servitude des deux dimensions, fait donc fi de la troisième, mais intègre dans ses tableaux la quatrième dimension: l’espace-temps.  Certes, le défi est de taille, mais notre artiste n’a jamais vu son art comme une paisible mare à canards où somnolent les lotus, mais plutôt comme une quebrada de tous les dangers où s’engouffre le pampero.  Héritier de la pugnacité des poètes Lorca, Gelman et Neruda, des sculpteurs Rodin, Iché [4] et Zerneri ainsi que, justement, des peintres Goya et Picasso, il doit penser comme ce dernier que «La peinture n'est pas faite pour décorer les appartements; c'est un instrument de guerre...»

Dès lors, quoi de plus normal, que par son art socialement et politiquement engagé, le fils mystique en vienne, sans doute inconsciemment, à vouloir «tuer» le père à l’œuvre sempervirente, malgré que celui-ci fût déjà mort six ans avant sa naissance.  Guernica!  Soixante-dix ans après la destruction de cette ville au nom résonnant comme un cri de guerre, symbole des peuples martyrs des dictatures assassines, Moscona s’élance sur les traces de l’esprit des Patrick Ascione, René-Louis Baron, Alain Resnais, René Iché, Paul Eluard, et, bien sûr, Pablo Picasso.  «J’ai travaillé dessus pendant deux ans, de 2005 à 2007, et réalisé plus de 150 tableaux à partir du Guernica de Picasso», confie-t-il récemment au philosophe Mathias Leboeuf.  C’est que le jeune Sergio se sentira tôt pris en entre l’enclume des tyrannies du passé et le marteau des dictatures nouvelles: au Brésil de 1964 à 85, au Chili de 1973 à 90, en Uruguay de 1973 à 85 et, dans son pays, l’Argentine, la plus brève (1976-1983) mais combien meurtrière dictature des Colonels.

Né en 1979 à Buenos Aires, en Argentine, donc trois ans après le putsch des Colonels, Sergio Moscona n’est qu’un enfant lorsque leur sinistre dictature prendra fin.  Aussi, n’en a-t-il pas connu directement l’horreur, mais la réalisera durant son adolescence par ses conséquences, par la souffrance du peuple argentin et ses revendications de justice.  Ses yeux largement ouverts sur le monde ne lui permettront pas d’ignorer les tempêtes mortifères qui le dévastent tous azimuts.  Son dessin, pratiqué dès ses douze ans avec divers artistes dans sa ville natale, où il vit et travaille encore aujourd’hui, ne tardera pas à refléter cette vision qui, pour n’en pas être apocalyptique, n’en constitue pas moins une représentation assez pessimiste de l’homme, qui ne semble pas lui inspirer grande confiance.

Et c’est ici que je situerai une allégorie récurrente dans certains de ses tableaux et dessins: «Hay Gato Encerrado», expression espagnole correspondant à notre «il y a anguille sous roche», auquel il a d’ailleurs consacré une série particulièrement significative de sa défiance envers les machinations humaines.  Le Gato encerrado (chat enfermé) exprime la méfiance de l’observateur qui ne s’en laisse conter ni par la comédie des hommes, ni par leurs manigances.  Comment ne pas songer dans ce contexte au gato garduño (chat dissimulé, rusé), que Federico Garcia Lorca identifie dans son poème Romance Sonambulo,[5] à la sombre montagne, qui observe et guette de haut, ne se fiant pas aux apparences, les choses et les évènements sous (éclairés par la lumière trompeuse de) la lune gitane (bajo la luna gitana)?

Après avoir fréquenté les Beaux-arts à Buenos-Aires, où il a également appris la peinture et la gravure, Sergio Moscona a rapidement connu le succès.  Outre de fréquentes expositions à Buenos Aires, il a notamment exposé à Paris, Vichy, Montigny-lès-Metz, Tokyo, Hambourg, Milan et Rome.  De plus, on retrouve ses oeuvres dans des musées et des collections privées de nombreux pays: en Argentine, bien sûr, mais également en Équateur, au Brésil, au Paraguay, au Mexique, aux États-Unis, en France, en Angleterre, etc.  C’est au tour du petit Luxembourg, à présent, et à vous, amis lecteurs, d’aller assister à la galerie Schortgen aux brillantes – je n’ai pas dit faciles – représentations sociétales d’El teatro della vida !



[1]  Galerie Schortgen Artworks, 24, rue Beaumont (tel.5464.8744), Luxembourg centre. Exposition Robbert Fortgens, mardi à samedi de 10,30 à 12,30 h. et de 13,30 à 18 h. jusqu’au 24 novembre.
[2]  Ces textes livresques désormais entièrement ou en partie recouverts par de nouvelles histoires, où les beaux-arts remplacent lettres, constituent d’authentiques palimpsestes au sens noble du terme.  C'est-à-dire que, contrairement à ceux du Moyen-âge qui entraînaient une destruction du texte préexistant, souvent unique, ceux-ci ne cachent qu’un exemplaire parmi des centaines, voire des millions d’autres et, de plus, constituent avec le nouvel apport, une oeuvre d’art originale.
[3]  L’artiste dépeint donc l’être, plus que le paraître et s’inscrit en quelque sorte dans la vision tout à la fois réaliste et pessimiste d’Oscar Wilde dans Le Miroir de Dorian Grey.
[4]  V. m. article sur René Iché dans Zeitung vum Lëtzebuerger Vollek 19.9.2009 > www.zlv.lu/spip/spip.php?article1298.  
[5]  In Federico Garcia Lorca : Romancero Gitano, Editorial Losada, Buenos Aires 1959 

mardi 6 novembre 2012

Beihdja RAHAL - Koum tara.



Lève-toi, tu verras
Les bourgeons des amandiers
Affluant de partout.
La brise les a éparpillés
Dans l’enclos
Et la rosée les a couverts.
Ils fécondent la feuille du noyer,
C’est un signe de bon augure.
Les champs ont des couleurs plaisantes
Dans le charme de la saison des promenades.
Ô toi commensal,
Viens au jardin,
Profitons un moment de la vie.
Traduction Jalel El Gharbi

lundi 5 novembre 2012

Eliane Goedert-Stoltz... par monts et vallées


Giulio-Enrico Pisani

Lux. Novembre 2012

 

Eliane Goedert-Stoltz... par monts et vallées

 

«Par monts et vallées» n’est pas un titre, et, pour paraphraser Magritte, ce n’est pas non plus une chaîne de monts et des vallées.  De plus, ce n’est que moi qui ai baptisé ainsi, de mon propre chef, cette splendide exposition que l’artiste peintre Eliane Goedert-Stoltz présente aujourd’hui à la Paris New-York Art Gallery.[1]  J’y ai en effet découvert tout à la fois un appel au voyage, une approche des terres lointaines et une élévation vers les sommets par l’exploration tant physique que spirituelle d’une thématique à l’infinie vastité.  Il eût été vain de la cerner par un titre.  Je l’ai pourtant fait, car le thème est bien là, omniprésent et aussi puissamment ancré à la terre que transcendant.  Qu’ils soient de Chine, d’Islande, alpestres ou d’ailleurs, les sommets qu’elle peint s’élèvent comme des odes au firmament à partir des morènes, talwegs, pénéplaines, alpages, mers de glace, mers de brume, cascades, lacs et ruisseaux.  Ces lieux sont autant de plateformes que l’artiste emprunte dans son aspiration vers ce ciel infini dont la terre n’est qu’un grain de poussière.

Cette quête quasi-religieuse de captation de l’ailleurs et du quasi-inconnaissable, quête nécessairement fragmentaire, ne saurait aboutir, bien sûr, à un accomplissement; au mieux est-elle aspiration.  Aussi, l’artiste ne peut se contenter de ce qu’elle a vu et vécu durant ses voyages.  C’est, par conséquent, en intériorisant ce vu et ce vécu, en le réinterprétant et en le retravaillant (le plus souvent sur toile), qu’elle peut matérialiser son inspiration autant que son talent le lui permettent.  N’est-ce pas cela, que le critique et historien de l’art Patrick-Gilles Persin nomme religion? [2]  En quoi il se réfère à la foi de l’artiste, qui relève, me semble-t-il, d’une ferveur ouverte, apparentée davantage au «Deus sive natura» de Spinoza qu’à la cagoterie usuelle dans notre Marienländchen.[3]  Le fait de ressentir dans la création une main divine, ne l’empêche pas de capter, interpréter et restituer dans ses vedute, de façon très matérielle, avec toute sa générosité, mais aussi avec ses tourments et ses doutes, les choses de la nature.

Car le transit de l’image de ses yeux jusqu’à la toile ou au papier, c'est-à-dire de la représentation tant du monde vivant que minéral à travers l’âme de l’artiste, n’a rien d’anodin.  Il y a toujours interaction, brute ou subtile, ici violente, là apaisante, avec d’autres facteurs, et ce qui en résulte pour nous, spectateurs et par là nécessairement tiers participants, n’est pas une réalité objective, mais bien celle que l’artiste voudrait que nous voyions et comprenions.  Elle désire – je pense – que nous soyons partie prenante dans ses projets et projections, et doit à ce fin laisser une certaine marge à notre liberté d’interprétation.  Aussi, à l’instar de bien d’autres maîtres de la peinture contemporaine, sa fidélité initiale à sa propre perception optique cèdera progressivement au rendu abstrait, dans la mesure où elle acceptera de lever la plupart des contrôles, d’abord sur les gésines, puis sur les geysers de son subconscient.  Cependant – autant vous le dire de suite –, nous assistons aujourd’hui à une re-canalisation de ces sources assez éloignée d’une exposition de peinture abstraite, seul l’une ou l’autre oeuvre intégrant des éléments abstraits dans la scénographie de ses paysages.  Car il s’agit bien de paysages qu’Eliane Goedert-Stoltz veut nous montrer cette fois, grâce à un retour à la figuration, qui ne ferme toutefois nullement la porte à l’abstraction.  C’est et ce sera, comme par le passé, selon l’inspiration du jour et au gré des pulsions de son esprit.

Notez pourtant que, même dans son expression figurative, elle ne nous impose rien, ne nous oriente vers aucune interprétation particulière de ses créations.  Elle ne fait que nous suggérer, selon sa propre herméneutique, ce que pourraient signifier ces tableaux de toute beauté que sont Pierre Témoin, Le Gullfoss, Autour du rocher, L’air de montagne, La cascade, Crépuscule, Vulcania Island et autres Torrent en Islande, etc..  Certes, mes préférences ne seront pas les vôtres, amis lecteurs.  Mais si je vous assure, que la rhapsodie en bleu qu’est Pierre témoin, ou bien le concert pastel beige-vert-bleu-rouille qu’est Vulcania Island, sont des sommets de figuration romantique stylisée, vous pouvez me le croire.  Et quand je dis romantique, ce n’est pas du tout dans le sens gnangnan du terme, mais bien en vertu d’un élan volcanique, désormais apaisé, comme hercynien, jaillissant du plus profond d’une âme où se métamorphose, à l’aune du ressenti, un magma bouillonnant d’impressions et d’expériences. 

Le spectre chromatique dont elle use est d’ailleurs à l’avenant.  Toutes les nuances du gris, du beige, de l’ocre jaune ou brun, ci et là de jaune safran ou d’orpiment, ainsi que les terres d’ombre et de Sienne, le bistre, d’autres bruns, souvent ponctués d’éclaboussures ou taches d’ocre rouge, cinabre, grenat ou vermillon, se mêlent et se juxtaposent aux azurs, bleus de prusse, outremer, cobalt, roi, acier, aigue-marine, cyan, pétrole, turquoise, aux verts mousse, malachite, terre verte, etc. ...  Mais aucune agression, fausse note ou tonitruance optique ne perturbe la diversité et la richesse de ces symphonies composées le plus souvent d’harmonies camaïeu et pastel.  Des centaines de tons et colorations y agissent de concert en de subtiles eurythmies affinées de sfumati, fondus et dégradés – je pense à du C. D. Friedrich très stylisé – qui valorisent toutes les nuances sans qu’elles en viennent à se heurter.  C’est magistral.

Née à Luxembourg en 1940, Eliane Goedert-Stoltz a étudié la peinture en Belgique dès 1953 sous la direction de la remarquable peintre post-impressionniste Marie Howet, étudie de 1956 à 1958 l’histoire de l’art à Paris et participe de 1958 à 1960 à des Expositions collectives à Londres.  Suivront une vingtaine d’années consacrées à sa vie familiale; mais le grain semé dans son adolescence profitera de cette longue léthargie artistique pour mûrir et enfin germer en 1983 à Salzbourg, où elle suit une académie d’été sous la direction d’Arik Brauer.  En 1984, elle élargit son éventail en suivant un cours de sérigraphie à l’Académie Européenne des Beaux-arts de Trèves et commence à exposer à la Galerie Marly à Luxembourg, ainsi qu’à Lloret de Mar.  Suivront de nombreuses autres expositions notamment en France, au Japon, en Allemagne, en Autriche, en Italie, au Benelux, et elle sera souvent distinguée lors de ses participations à divers salons et compétitions internationales, parmi lesquelles il faut citer le "Grand Prix des 7 Collines" à Rome.  Aujourd’hui, elle compte parmi les peintres les plus talentueux du Grand-duché.  C’est en tout cas mon avis... et qu’en sera-t-il du vôtre?



[1]  Paris New York Art Gallery, 26 rue du Curé, Luxembourg ville, près des passages entre place d’Armes et place Guillaume. Ouvert lundi–samedi de 12–18,30 h, Exposition à visiter jusqu’au 17 novembre.

[2]  Dans l’album illustré sur Eliane Goedert-Stoltz et son oeuvre, disponible à la galerie.

[3]  Sur les termes Marienland et Marienländchen, voir le premier paragraphe et la note 1. de mon article sur Filip Markiewicz sub www.zlv.lu/spip/spip.php?article5272,  

samedi 3 novembre 2012

إمام لا يعرف القرآن



   الإمام الوهابي الذي خرج علينا بكفنه و أعلن الجهاد لا يعرف القرآن فبعد أن أخرج  الٱية من سياقها حرفها 
فالٱية التي استشهد بها غير كاملة و قد أضاف إليها "ف"في قوله" عسى"  فوجب التصحيح:"فَقَاتِلْ فِي سَبِيلِ اللهِ لاَ تُكَلَّفُ إِلاَّ نَفْسَكَ وَحَرِّضِ الْمُؤْمِنِينَ عَسَى اللهُ أَن يَكُفَّ     بأس الَّذِينَ كَفَرُواْ وَاللهُ أَشَدُّ بَأْسًا وَأَشَدُّ تَنكِيلاً
 L'imam wahabite qui a  brandi son linceul et appelé au djihad  à la télé ne connaît pas le  Coran et se permet  d'en déformer les  versets 

vendredi 2 novembre 2012

La Puberté, Salah Niazi


La puberté 
Salah Niazi
«  J’étais sa poupée. Elle prenait son bain devant moi et elle me donnait le sein. Une fois grand, ces images me sont revenues, l’innocence en moins »
 Degas : Après le bain.
La voix s’assombrit dans ma gorge
Si ma main effleure la sienne, elle s’enflamme
Quand mon regard s’unit à ses yeux, il se trouble
Le rêve m’est revenu
Elle était nue en sa grande taille, il y avait l’eau et l’encensoir
J’ai mâchonné le sein doucement
Très doucement
Et j’ai dormi comme l’oiseau sur le lotus de la limite (1)
Le passé ravit ce qui fut entre nous
Vous vous détourniez alors de moi, les yeux baissés

Qui donc a momifié l’alouette
Embrochant dans ses ailes la peur avec la réglette
Dissimulée sous cape ?
J’entends encore le bruit de l’eau dans vos tiges sous la lune
Vous avez pris un bain, tout épanouie et d’un éclat marmoréen
Puis vous vous êtes secouée comme une alouette
Vous m’avez offert votre bras en coussin
Vous m’avez donné le sein comme on donne un fruit
Le rêve est maintenant pubère
Lui qui ne le devient que dès lors qu’il
Afflue dans l’éveil et qu’il habite les yeux et la gorge.
Traduction de Jalel El Gharbi


(1) Référence coranique (LIII, 16)